Normalement, l’obligation qui incombe à l’expéditeur ou au donneur d’ordre (ou au destinataire) de payer le prix du transport ainsi que des prestations annexes est exigible sur présentation de la facture. L’expéditeur (ou le destinataire ou le donneur d’ordre) doit régler à temps toutes les sommes dues à ce dernier pour le transport de la marchandise.

Mais un transporteur qui effectue sa mission et qui n’est pas payé par son expéditeur (ou le destinataire ou le donneur d’ordre), peut-il exercer un droit de rétention ?

La loi est favorable au transporteur.

En vertu de l’article L.133-7 al.1er du code des transports, « Le voiturier a privilège sur la valeur des marchandises faisant l’objet de son obligation et sur les documents qui s’y rapportent pour toutes créances de transport, même nées à l’occasion d’opérations antérieures, dont son donneur d’ordre, l’expéditeur ou le destinataire restent débiteurs envers lui, dans la mesure où le propriétaire des marchandises sur lesquelles s’exerce le privilège est impliqué dans lesdites opérations. »

Le privilège est un droit donné à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, mêmes hypothécaires (art. 2324 du code civil). La Cour de cassation a  jugé, à propos du privilège du commissionnaire, que le droit de rétention est la conséquence de ce privilège (Cass. com., 8 juin 1999, n°97-12.233).

Plus concrètement, le droit de rétention permet au transporteur impayé de retenir la marchandise jusqu’au paiement de la facture afférente au transport de cette marchandise. Mais attention, il ne confère pas au transporteur le droit de vendre la marchandise et d’être payé sur le prix de cette vente.

Par ailleurs, le transporteur qui exerce ce droit n’est pas atteint par la règle de suspension des poursuites (art. L. 642-20-1 du code de commerce).

Le droit de rétention implique nécessairement la détention matérielle de la marchandise sur laquelle il porte.

Ce n’est ni une action en justice, ni une voie d’exécution. Il constitue une sûreté réelle, opposable aux tiers.

Comment ensuite mettre fin à la rétention ?

Lorsque le transporteur est désintéressé, le paiement du prix du transport l’oblige à livrer la marchandise et mettre fin à sa détention. Selon l’art. 2286 dern.al. du code civil, le droit de rétention se perd par dessaisissement volontaire.

Que le transporteur peut-il retenir ?

En vertu de l’article L.133-7 al.1er du code des transports, le transporteur impayé qui détient les marchandises peut effectuer un droit de rétention sur elles tant qu’il n’est pas payé.

Le transporteur peut exercer le droit de rétention sur la lettre de voiture, le connaissement ou la lettre de transport aérien, ce qui est tout autant efficace puisque les documents de transport sont toujours nécessaires pour exercer les droits sur la marchandise.

Quelle sont les conditions qui tiennent à la créance  ?

Bien évidemment, le transporteur peut exercer le droit de rétention si sa créance du prix du transport et la marchandise retenue ont un lien de connexité. Par exemple, si le commissionnaire paie des frais de surestaries de conteneurs pour le compte de son client, il peut  retenir en garantie ces conteneurs.

En vertu de l’article L.133-7 al.2 du code des transports, le droit de rétention porte sur le paiement non seulement du prix de transport au sens strict mais aussi sur le prix des prestations annexes,  sur les frais d’immobilisation du véhicule au chargement (ou au déchargement), sur les frais engagés dans l’intérêt de la marchandise, les droits, taxes, frais et amendes de douane liés à une opération de transport et les intérêts.

Le transporteur peut également retenir une marchandise en garantie de paiement d’une créance née à l’occasion d’un transport antérieur demeuré impayé.

Enfin, la créance du prix du transport doit être certaine, liquide et exigible. Par exemple, l’exercice du droit de rétention peut être refusé par les juges au transporteur pour garantir le solde de sa créance, si sa contrepartie invoque l’existence d’un retard ou son droit à réparation puisqu’en vertu de l’article 1347-1 du code civil, la compensation suppose que les créances et les dettes réciproques soient certaines, liquides et exigibles.

Quels pièges à éviter?

Il est vrai que de manière générale, la situation n’est pas très agréable pour le transporteur qui effectue le droit de rétention qu’il préfèrerait certainement éviter puisque le véhicule chargée est immobilisé, le salaire du conducteur reste dû, les démarches destinées à résoudre les difficultés sont multiples, ce qui génère une perte de temps inutile.

Pire encore, le propriétaire de la marchandise peut avoir recours aux services d’un commissionnaire et estimer donc que le transporteur n’a pas le droit de retenir la marchandise puisqu’il est tiers au contrat de commission de transport.

Si le transporteur exerce le droit de rétention sur la marchandise appartenant à l’expéditeur qui doit régler le prix du transport, cette mesure conserve tout son intérêt.

En revanche, retenir la marchandise qui n’appartient pas au débiteur, par exemple au destinataire, acheteur de la marchandise dans le contrat de vente lorsqu’il n’est pas débiteur du prix du transport peut être plus difficile de mettre en œuvre. Dans ce dernier cas, une solution pourrait être trouver avec l’acheteur pour qu’il règle directement le prix du transport au transporteur pour les marchandises livrées et réclamer son remboursement à l’expéditeur, vendeur. Mais cette solution se conçoit difficilement si l’acheteur ne doit pas contractuellement supporter les frais de transport.

Une attention particulière doit être portée en cas de transport de denrées périssables, par exemples, les fruits et légumes, les surgelés etc. puisque la marchandise peut être avariée pendant la durée de la rétention alors que le transporteur est gardien de la chose et peut répondre des dommages subis par la marchandise lors de la rétention.

La créance doit être également impayée pour que le droit de rétention puisse être exercée par le transporteur alors que le prix du transport peut être exigible après la livraison.

Le transporteur doit faire attention pour que son débiteur ne considère pas la marchandise comme une perte faute de livraison  dans les délais contractuels.

Avant d’exercer le droit de rétention, le transporteur doit également faire attention aux stipulations contractuelles, puisque pour éviter toute contestation relative à l’exercice du droit de rétention, le contrat de transport peut déroger au droit de rétention.

Ainsi, le droit de rétention est une arme efficace pour faire pression sur le débiteur mais à manier avec précaution.