Aperçu historique de l’arbitrage commercial en France : de la protection locale des commerçants à la protection transnationale

Aujourd’hui, avec la globalisation de l’économie, la croissance des échanges commerciaux et la dérégulation, la pratique de l’arbitrage international se généralise. Pourtant, l’arbitrage est fort ancien et a connu au cours des siècles un constant développement, recherché toujours par ses utilisateurs pour sa rapidité et sa simplicité. À ses débuts, il était sans doute oral.

Selon le Professeur Loquin, « S’il n’est pas certain que l’arbitrage ait précédé la justice de l’État, quelque en soit la forme, il a toujours coexisté avec elle ». À l’appui, les écritures mésopotamiennes révèlent une forme de procédure arbitrale dès le XIX-XVIIIe siècle avant J.-C.

De même, en droit grec, une loi sur l’arbitrage établit un cadre pour le bon déroulement de la procédure arbitrale laissant aux parties le choix des arbitres, imposant la renonciation d’un appel et octroyant l’autorité de chose jugée à la sentence rendue. Au surplus, les arbitrages sont soumis à la confidentialité.

Cette justice est pratiquée également à l’Antiquité romaine, dès le Ve siècle avant J.-C, sous des formes variées. Elle évolue avec l’expansion de l’Empire romain, le développement du commerce colonial et du droit matériel qui doit répondre aux nouveaux besoins. L’arbitrage est ouvert à l’ensemble des catégories de la société romaine, à l’exception des esclaves.

L’arbitrage byzantin demeure influencé par le droit romain. Cependant, le Code de Justinien encadre la pratique arbitrale et impose l’obligation des arbitres à rendre des sentences conformément au droit codifié. Pour que la sentence soit dite exécutoire, celle-ci doit obtenir le concours de l’autorité publique.

À travers les siècles, l’arbitrage s’est placé comme une voie permettant d’échapper à l’autorité étatique. Ce n’est pas pour autant que cette forme de justice doit être considérée comme une voie opposée à l’État puisque les autorités publiques en ont toujours eu connaissance et ont tenté d’établir une cohabitation entre la voie judiciaire et arbitrale. Les atouts de l’arbitrage sont prisés tout particulièrement par les commerçants : l’arbitrage répond de manière adéquate aux besoins des marchands en s’adaptant à la réalité économique et permet d’éviter le formalisme des procédures prévues par la justice étatique. Raison pour laquelle l’intérêt pour l’arbitrage persiste à travers les époques.

En France, l’arbitrage passe, selon l’époque, d’une hostilité marquée du législateur à l’engouement.

 

I. Les vicissitudes de l’arbitrage à travers les siècles

Au Moyen Âge, on recourt à l’arbitrage à l’intérieur des communautés, des corporations ou des groupes religieux. C’est à l’occasion des foires, au XIIe siècle, que les commerçants prennent l’habitude de soumettre leurs litiges aux arbitres désignés par les associations des marchands. L’arbitrage est prisé par les acteurs commerciaux en raison de la liberté octroyée aux parties, de son équité et de sa simplicité. Après une période de méfiance, l’arbitrage a connu la faveur au moment de la Révolution à tel point que les décrets des 16-24 août 1790 l’ont consacré comme principe constitutionnel en tant que « mode le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens ».

A. L’arbitrage, une voie au service des commerçants

Au début du Moyen Âge, l’arbitrage porte souvent sur les activités ecclésiastiques. Cependant, avec la démultiplication de royaumes et donc des juridictions, l’arbitrage devient un moyen d’échapper aux juridictions seigneuriales, et les laïcs tendent également à emprunter la voie arbitrale.

La constitution des villes et l’organisation des foires favorisent l’essor de l’arbitrage. À partir de XIe siècle, les relations commerciales se transforment. Pour se protéger, les marchands se regroupent dans les corporations ou les guildes puisque le commerce n’est pas réglé par l’État. Par exemple, au XVe siècle, plus de la moitié des litigants sont des marchands. Dans les corporations, les groupes de commerçants souhaitent exclure l’intervention des pouvoirs publics et voir leurs litiges résolus par des spécialistes des questions litigieuses. Les corporations créent le droit des marchands, et les usages se forment, dont certains vont passer d’une branche de commerce à d’autres en se généralisant progressivement. Les conflits, souvent entre marchands des villes différentes, sont réglés par les corporations qui assurent l’exécution des décisions.

En France, le compromis est l’élément-clé pour déclencher une procédure arbitrale. Les sentences sont rendues verbalement puis retranscrites à l’écrit. Les parties désignent les arbitres, qui ont des profils variés en fonction de la nature du différend. Les arbitres, en exerçant cette fonction, reçoivent une gratification. Le compromis se réfère dans la majorité des cas à une coutume. L’exécution de la sentence est assurée par le commun accord entre les parties mais en cas de résistance de l’une des parties, la décision est soumise au juge.

Sous l’Ancien Régime, l’arbitrage est toujours prisé pour combler les lacunes de la justice étatique et terminer rapidement les procès. L’arbitrage forcé se développe notamment en matière commerciale. En même temps, l’appel devient possible si la loi n’est pas correctement appliquée ou si la sentence a privilégié l’une des parties.

Dans un contexte de méfiance de l’État et de la justice, les idées révolutionnaires vont propulser l’arbitrage au rang constitutionnel dans la Constitution du 3 septembre 1791. Comme souligne le Professeur Loquin, ce combat a « abouti à créer un système parallèle de résolution des conflits qui avait fini par se superposer au système étatique lui-même ». L’arbitrage forcé s’étend à l’ensemble des rapports au sein de la société, et toutes les matières deviennent arbitrables.

Cependant, cette superpuissance de l’arbitrage est rapidement amoindrie pendant la période du Directoire, mais l’arbitrage forcé subsiste en matière commerciale. Le début du XIXe siècle marque un tournant dans la perception de l’arbitrage et la place qui lui doit être concédée au sein de l’ordre juridique français.

 

B. Le XIXe, siècle de défiance de l’État à l’égard de l’arbitrage

En réaction contre le droit révolutionnaire, sous le Consulat et au début de l’Empire, l’arbitrage est critiqué. L’idée du législateur est de faire bénéficier les plaideurs des garanties que présente la justice étatique, confortée par la jurisprudence qui prend une position de principe dans l’optique d’empêcher la généralisation des clauses compromissoires.

1. L’endiguement de l’arbitrage par le législateur
Un grand élan de codification est amorcé par le Consulat et se poursuivra au début de l’Empire. Face à la défiance croissante envers l’arbitrage perçu comme un concurrent de la justice étatique, le législateur a pour objectif de cantonner cette procédure. L’endiguement de l’arbitrage s’illustre par un contrôle accru de la justice étatique envers l’arbitrage qui impose l’exécution des sentences uniquement après l’ordonnance accordée à cet effet par le président du tribunal. De même, le législateur interdit le compromis pour un certain nombre de litiges, tels que portant sur le divorce, question d’état ou sur des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public.

Par ailleurs, l’arbitrage tombe dans le régime de droit commun réduisant ainsi ses avantages puisque celui-ci sera soumis aux règles de forme et de fond établies par les juges. Les parties peuvent faire appel de la sentence, sauf renonciation expresse de celles-ci, et un recours spécifique est mis à disposition des parties permettant de s’opposer à l’ordonnance d’exequatur.

Les exigences de validité de la clause compromissoire sont conditionnées à la capacité des personnes, à la présentation d’un acte écrit et fait par procès-verbal devant les arbitres choisis au préalable ou par un acte notarié. Afin d’éviter les excès de pouvoir, les parties doivent sous peine de nullité préciser l’objet du litige et le nom des arbitres.

Hormis les considérations politiques de l’époque, le cantonnement de la procédure arbitrale a pour mission de préserver les voies prévues par le droit commun et a pour mission de protéger le citoyen.

2. La réduction à néant de l’arbitrage par la jurisprudence
Dans un premier temps, les juges adoptent une application littérale des dispositions du Code de procédure civile. Cependant, l’encadrement législatif n’a pas pour effet de dissuader les citoyens de recourir à l’arbitrage. Ainsi, le juge mène un contrôle de plus en plus accru des procédures arbitrales et, finalement, condamne la clause compromissoire. Aux termes de l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 16 mars 1842, les juges invalident la clause compromissoire contenue dans un contrat de bail dans ses termes : « attendu que l’arbitrage est une exception, une dérogation à l’ordre public des juridictions ; qu’il doit, comme tel, pour être valable, être soumis à la plus exacte observation des conditions et des règles prescrites par la loi ». Les juges veulent contrer la multiplication des contrats comportant une clause compromissoire. Le 10 juillet 1843, dans un célèbre arrêt Prunier, la Cour de cassation déclare nulle la clause compromissoire stipulée dans un contrat d’assurance.

Ce rejet de l’arbitrage s’attache à la conception qui considère l’arbitrage comme l’ennemi de la justice étatique qui dénature les lois.

Il faut observer que la France s’isole de la position des puissances voisines dont l’Angleterre où d’importantes réformes législatives ont lieu en 1833 permettant de consolider les clauses compromissoires en matière commerciale et étendre les pouvoirs des tribunaux arbitraux. En ce sens, les juridictions étatiques viennent consolider le mécanisme arbitral. En 1854, le Common law procedure Act établit une procédure spéciale dite du special case permettant aux tribunaux de droit commun d’exercer un contrôle en droit de la sentence arbitrale. Enfin, en 1889, l’Arbitration Act, adopté dans l’ensemble du Commonwealth, dispose de l’irrévocabilité des clauses compromissoires.

Cependant, l’arbitrage en France, tombé dans l’oubli au XIXe siècle, renaît en 1925 pour continuer depuis son développement. Le droit français de l’arbitrage a connu des réformes successives et est codifié désormais dans le Code de procédure civile.

 

II. La renaissance de l’arbitrage à l’aune du développement du commerce international

Avec le développement du commerce international, l’arbitrage devient un mode de prédilection de résolution des différends en matière de contrats internationaux. L’assouplissement du régime de la clause d’arbitrage a été réclamé, en particulier par le député Louis Louis-Dreyfus, par ailleurs fondateur de la chambre arbitrale internationale de Paris.

 

A. L’assouplissement du régime d’arbitrage

La fin du XIXe siècle est marquée par la seconde révolution industrielle bouleversant les facteurs de production mais également les méthodes de transport et facilitant ainsi la multiplication d’échanges internationaux et l’apparition de contrats internationaux. Pour combler le vide juridique en matière internationale, l’arbitrage semble être la meilleure voie pour résoudre de manière prompte les litiges afin d’assurer la continuité des activités commerciales.

Dans cette période troublée de l’arbitrage en France, l’appréciation de la clause compromissoire insérée dans les contrats internationaux s’effectue au prisme du droit interne. Si certains magistrats français font résistance au mécanisme qui est perçu comme un risque, d’autres au vu des mutations industrielles et commerciales vont contourner cette résistance en adoptant une position plus clémente en faisant primer l’intention commune des parties et une interprétation souple des dispositions du code de procédure civile.

Par la suite, s’ouvre une période de construction progressive de la jurisprudence, favorable à l’arbitrage. Par l’arrêt du 8 novembre 1965, la Cour d’appel de Paris juge que la validité de clause se fait au regard du droit applicable (lieu de la signature de la clause). Puis, la Cour de cassation estime que sa nullité « ne saurait être considérée comme d’ordre public » (Cass. req., 21 janvier 1904) et déclare la validité de la clause compromissoire insérée dans un contrat conclu entre les parties de nationalités différentes (Cass.civ., 8 janvier 1913). Puis, dans les années 30, dès lors que le contrat concerne le commerce international, la validité de la clause est systématique.

Enfin, le protocole relatif aux clauses d’arbitrage signé à Genève le 24 septembre 1923, ratifié par la France le 7 juin 1928, constitue la première étape dans la reconnaissance des conventions d’arbitrage et des sentences arbitrales sur le plan international. Dans ces circonstances, le législateur français ne pouvait qu’assouplir sa position d’autant plus que l’arbitrage était largement pratiqué dans les milieux professionnels.

En effet, l’arbitrage connaît un nouveau regain au XXe siècle dans le contexte de la création des premières institutions internationales et de la promesse d’une gouvernance internationale dans un monde globalisé, fondé sur le droit international, respecté par le biais de l’arbitrage international. Le monde des affaires, voyant l’intérêt de soustraire leurs litiges aux droits nationaux, appelle les états à soutenir le développement de l’arbitrage.

La validité de la clause compromissoire en droit interne sera réintroduite par la loi du 31 décembre 1925. Cette loi n’a pas vocation à établir un régime applicable à l’arbitrage, elle se limite à déclarer la validité de la clause compromissoire en matière commerciale, ce qui n’empêche pas de relancer la pratique de l’arbitrage puisqu’à la différence du compromis, la clause compromissoire engage les parties à soumettre à l’arbitrage un litige éventuel.

En réalité, avant la loi de 1925, la clause compromissoire devait répondre aux conditions de validité applicable au compromis qui paraissaient difficiles à appliquer dès lors que l’objet du litige n’était pas connu.

Cependant, en dépit de l’évolution du cadre législatif et jurisprudentiel, les critiques et la méfiance persistent toujours envers l’arbitrage. Comme l’indique le professeur Hamel dans son commentaire de la loi de 1925, l’engagement de la procédure arbitrale implique la renonciation des garanties offertes par le Tribunal. Il s’interroge sur la présupposée « supériorité de l’arbitrage » car l’instruction et le jugement se font à huit clos et émet des doutes sur les bienfaits de l’arbitrage. Il se pose la question à savoir si le réel avantage de l’arbitrage ne serait pas de contourner les juridictions commerciales afin de laisser subsister dans les contrats des clauses draconiennes.

N’empêche qu’à partir de 1925, avec l’évolution du commerce international, on observe un renforcement méthodique et pragmatique du droit de l’arbitrage international comme une institution juridique privée extraterritoriale qui accompagne la construction d’un ordre économique international.

 

B. L’arbitrage corporatif

Dans le contexte du développement des marchés globaux, la validité de la clause compromissoire conditionne la création des institutions d’arbitrage et l’expansion de la pratique de l’arbitrage qui est, à cette époque, en grande partie sectorielle, souvent mis en œuvre par les acteurs des marchés internationaux de matières premières.

La renaissance de l’arbitrage nous mène inévitablement au développement de l’arbitrage corporatif. On retrouve dans les travaux législatifs de Louis Louis-Dreyfus, rédacteur de la loi de 1925 son ambition de développer des institutions spécialisées : « Par l’application de l’arbitrage, nous développerons ou constituerons ces vastes associations commerciales, ces syndicats professionnels qui concilient les intérêts, consacrent les mœurs et réglementent les habitudes du commerce. Ces institutions sont faites pour résoudre rapidement et à peu de frais, suivant les règles et coutumes commerciales, les litiges évoqués devant elles ; leur fonction est déjà, et sera de plus en plus, d’arbitrer d’une part et de légiférer de l’autre, c’est-à-dire d’élaborer, par la collaboration de tous les intéressés, des règlements généraux qui constitueront comme une sorte de Charte du commerce et de l’industrie. Elles auront à rédiger des contrats types qui serviront de base aux transactions et où se trouveront preuves et précisions de la plupart des difficultés futures ».

Le système de l’arbitrage corporatif est mis en place par les associations professionnelles qui opèrent sur les marchés internationaux de matières premières de céréales, de café, de coton, de poivre etc. et qui se chargent de la régulation des marchés par le biais de l’édition des contrats-types dont le respect est assuré par les arbitres, négociants d’une telle ou telle branche. Dans les années 1870, ces associations sont basées en Angleterre. En 1925, les Français construisent la chambre arbitrale de Paris, une institution alternative. D’autres institutions sont créées par ailleurs, comme par exemple l’Union des Marchands de soies et le Syndicat des Fabricants de soieries, basées à Lyon.

L’adoption systématique, par les milieux professionnels, de l’arbitrage va de pair avec la codification des règles et usages en vigueur dans les différentes branches commerciales puisque les arbitres issus de ces mêmes milieux sont plus à même d’appliquer ces règles codifiées. Ainsi, l’étude des archives de la chambre arbitrale internationale de Paris permet d’observer qu’à ses origines, une jurisprudence arbitrale « corporative » se développe par la régularité de l’interprétation des mêmes clauses des contrats-types, pratiqués dans le commerce des céréales, en développant une véritable « lex cerealis ».

Le développement du droit corporatif est également observé par Ishizaki, dans la préface de sa thèse, à travers le commerce de la soie : « Le droit corporatif apparait, non pas comme une dépendance ou une adaptation des droits législatif et judiciaire, mais comme un droit qui suit ses voies particulières, a un esprit, des méthodes et des sanctions propres ». Il souligne en ce sens que « l’autonomie croissante du droit corporatif est assurée par l’action combinée de trois forces : l’arbitrage corporatif, les codifications d’usages et le contrat-type ». En effet, la justice étatique s’avère inadaptée au vu des spécificités du commerce de la soie qui doit faire face à des fluctuations constantes qui nécessitent une réponse rapide et adaptée au cas par cas.

Le développement de l’arbitrage corporatif est entravé par l’interdiction jurisprudentielle des clauses compromissoires. Par conséquent, l’arbitrage corporatif en France est apparu en contournant les contraintes légales, ce qui instaure une période, décrite de la manière suivante par Ishizaki : « jusqu’à la fin de l’année 1925 il a existé un antagonisme saisissant, en ce qui concerne le rôle à attribuer à l’arbitrage commercial et à son instrument essentiel de développement, la clause compromissoire, entre les conceptions officielles de la jurisprudence française et les pratiques du commerce … Antagonisme que le vote de la loi, validant avec quelque timidité la clause compromissoire la clause compromissoire en matière commerciale, a atténué sans le faire disparaitre ». En effet, la loi de 1925 ne modifie par la compétence des tribunaux de commerce et malgré la validité de la clause compromissoire en matière commerciale celle-ci requiert la signature des deux parties. Or, le contrat de vente adressée par le vendeur ne fait pas souvent l’objet d’un retour par l’acheteur et l’acceptation de la clause compromissoire ne peut que résulter d’une référence aux conditions d’un contrat-type ou d’usages de place faisant mention à l’arbitrage.

Les auteurs de la loi de 1925 on fait en sorte de laisser volontairement une souplesse afin de permettre aux corporations d’adapter aux besoins particuliers de leurs branches de commerce les méthodes d’arbitrage prévues et réglementées dans leurs contrats-types.

La loi des parties sera en réalité la réglementation des corporations.

Pour bénéficier de l’arbitrage corporatif, il faut et il suffit que l’une des parties soit membre de la corporation d’une branche d’activité.

À la différence des décisions rendues par les tribunaux étatiques, l’arbitrage permet de modeler et d’appliquer les règles de manière assouplies à la lumière des données économiques afin de conduire à une solution équitable. C’est ainsi qu’Ishizaki indique : « Par son élasticité, l’arbitrage corporatif répond beaucoup mieux aux besoins de sécurité juridique du commerce qu’une jurisprudence rigide, intangible et indifférente aux conditions économiques ». Au surplus, l’arbitrage corporatif bénéficie à l’époque de la gratuité car les arbitres ne reçoivent aucune rémunération.

Cet arbitrage corporatif commence à se transformer au XXIe siècle compte tenu d’une moindre importance des matières premières dans le commerce international et l’évolution des standards de l’arbitrage international. Il relève aujourd’hui du droit commun et s’efface au profit de l’arbitrage juridique, pratiqué dans le commerce international et, pour survivre, les associations professionnelles doivent proposer aujourd’hui les règlements d’arbitrage conformes à la pratique générale de l’arbitrage commercial international.

 

Conclusion

Aujourd’hui encore, dans un contexte de globalisation, le contentieux international passe essentiellement à travers l’arbitrage. L’arbitrage commercial est devenu plus complexe et plus juridique, mais l’essentiel ne change pas. Comme l’observe le professeur Clay, l’arbitrage est « toujours un tribunal privé, voulu par les parties, qui rendra une décision de justice, s’imposant à tous et pouvant être exequaturée facilement. Et ce modèle existe depuis la nuit des temps. C’est dire s’il est solide ».

Son aperçu historique permet de s’en rendre compte. Selon le professeur Racine, « une approche historique est indispensable en ce qu’elle met notamment en valeur la permanence du phénomène », caractérisé par l’adaptation de l’arbitrage à chaque époque et ses utilités politiques. Et dans l’avenir, il saura nécessairement s’adapter.

L’arbitrage commercial international semble aujourd’hui préservé de toute méfiance des pouvoirs publics. Cependant, l’emprise de la justice privée soulève également la question de préservation des considérations sociétales. En effet, le juge étatique est investi d’une mission d’intérêt général permettant de le hisser en gardien des normes sociales alors que l’arbitre a pour simple mission de trancher au cas par cas même si certains ambitionnent d’établir une jurisprudence arbitrale. Une chose est sûre, dans le proche avenir, les arbitres seront sollicités non seulement pour préserver les intérêts du commerce international mais aussi pour jouer le rôle de gardiens de l’ordre public international et des valeurs dont le caractère universel ne fait aucun doute.

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Publié dans la Newsletter  de la Chambre Arbitrale Internationale de Paris

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