La remise de la marchandise par le transporteur sans présentation du connaissement engage la responsabilité du transporteur. Celui-ci est tenu de réparer le préjudice résultant du défaut de règlement du prix lié à l’absence de présentation de l’original du connaissement.
En cas de livraison sans connaissement, le chargeur-vendeur qui n’a pas été payé peut engager une action en responsabilité contre le transporteur.
Le contrat de transport émane du contrat de vente des marchandises. Le vendeur et l’acheteur répercutent dans le contrat de transport les obligations du contrat de vente.
Le contrat de transport maritime est un contrat tripartite qui lie le transporteur, le chargeur et le destinataire, bien qu’il ne soit signé par le transporteur seul. Par le contrat de transport maritime, le transporteur s’engage à acheminer la marchandise d’un port à un autre.
Qu’est-ce qu’un connaissement ?
Le connaissement (bill of lading) est émis en exécution d’un contrat d’affrètement d’un navire. Il est la preuve du contrat de transport. Il est délivré par le transporteur au chargeur après la réception de la marchandise.
Le connaissement est un titre représentatif des marchandises.
C’est le reçu de la marchandise. Le connaissement vaut présomption de la réception par le transporteur des marchandises, telles qu’elles y sont décrites. Toutefois, la preuve contraire est dans certains cas est admise.
Les juges ont précisé que le connaissement, outre son rôle de preuve, représente la marchandise, ce qui permet au titulaire du connaissement d’en réclamer la livraison à l’arrivée au port.
Il détermine le destinataire, les marchandises à transporter, les conditions du transport et la spécificité du voyage. Le connaissement est établi en deux originaux au moins, l’un pour le chargeur et l’autre pour le capitaine.
Le bénéficiaire du connaissement est le destinataire qui est souvent l’acheteur de la marchandise.
Le connaissement n’est cependant pas un titre de propriété puisque la propriété est régie par le contrat de vente entre le chargeur-vendeur et le destinataire-acheteur. Celui qui détient légitimement le connaissement, détient la marchandise.
Le rôle du connaissement est de prouver que celui qui se présente est bien celui qui a le droit de prendre livraison de la marchandise. Le destinataire est identifié par le connaissement qui peut être nominatif (le connaissement indique le destinataire), au porteur ou à ordre (le connaissement est présenté par le dernier endossataire).
Le connaissement est un titre négociable qui peut être transféré d’un expéditeur à différentes parties, chaque partie l’endossant pour transférer le titre à la partie suivante. Cependant, le titre ne peut être cédé que par la partie dont il est indiqué sur le connaissement qu’elle possède le titre à ce moment-là.
La possession du connaissement ouvre droit à son porteur de réclamer la marchandise au transporteur. Le destinataire doit présenter le connaissement au transporteur pour réceptionner la marchandise. La marchandise est remise par le transporteur seulement au porteur du connaissement.
Est-ce que le transporteur peut engager sa responsabilité envers le vendeur en cas de livraison sans connaissement?
Le chargeur-vendeur doit fournir les documents d’expédition notamment un jeu complet de connaissements, pour permettre à l’acheteur de dédouaner la marchandise à son arrivée. La non-présentation des documents en temps utile peut entraîner des surestaries et d’autres coûts.
Cependant, le vendeur-chargeur peut conserver le connaissement original jusqu’à ce qu’il reçoive le paiement. Ainsi, le destinataire ne pourra pas prendre livraison de la marchandise tant que le paiement n’a pas été effectué.
Les réclamations doivent donc être adressées au transporteur puisqu’une obligation du transporteur est de livrer la marchandise à son destinataire. Le chargeur qui a subi un préjudice a un droit d’action contre le transporteur.
Il a été jugé que, sauf convention contraire, le transporteur maritime ne peut livrer la marchandise que sur présentation de l’original du connaissement.
Les juges ont eu l’occasion de confirmer qu’une remise à un tiers non ayant droit constitue une faute inexcusable. Cette faute est caractérisée si le transporteur n’a pas obtenu préalablement une lettre de garantie de la part du destinataire.
Sans connaissement, le transporter peut exiger une lettre de garantie bancaire, sous forme d’un engagement à payer à première demande.
Il est à noter que le transporteur peut livrer la marchandise sans présentation de connaissement si le chargeur lui en donne l’instruction.
Est-ce que le transporteur engage sa responsabilité si la livraison est couverte par une lettre de garantie ?
Cette livraison demeure une livraison sans connaissement, donc fautive. La lettre de garantie n’est pas reconnue comme un substitut ou un mécanisme remplaçant du connaissement. La lettre de garantie ne remplace pas le connaissement, elle n’est destinée qu’à régler le problème de livraison en attendant l’original du contrat principal.
La raison pour laquelle le vendeur garde le connaissement est l’absence de paiement. Comme le transporteur demande au destinataire de lui présenter l’original du connaissement afin de livrer la marchandise, c’est précisément pour cette raison que le vendeur ne met pas à la disposition de l’acheteur le connaissement, ce titre équivalent aux marchandises.
Cependant, il y a une exception à ce principe. C’est celle de l’émission de la lettre de garantie au déchargement. Le transporteur sera donc autorisé à livrer la marchandise en substituant à la présentation du connaissement l’émission d’une lettre de garantie consignée par une banque. Lors de la remise d’une lettre de garantie de la part du destinataire, le transporteur doit livrer la marchandise.
Si après la livraison contre la lettre de garantie, le vendeur voulait agir contre le transporteur en présentant l’original du connaissement, ce dernier peut facilement se retourner contre l’émetteur de cette lettre de garantie pour lui demander d’exécuter l’engagement, prévu par cette lettre.
L’exécution de l’obligation essentielle du transporteur, à savoir la livraison des marchandises, est liée à la bonne exécution par le destinataire de son obligation de payer au vendeur le prix de vente.
La banque, en tant que signataire de la lettre de garantie, après avoir indemnisé le transporteur, fera un recours contre son client.
Les juges ont décidé que le transporteur maritime qui n’a pas informé son co-contractant de la possibilité de retirement des marchandises sans présentation de l’original du connaissement est donc du risque pour lui ne pas être payé, engage sa responsabilité puisque ce défaut d’information constitue un manquement aux obligations nées du contrat de transport. Les juges ont précisé qu’en l’absence de l’original du connaissement, il peut être remplacé par une mettre de garantie bancaire.
En effet, cette solution est préférable. Elle permet d’effectuer la livraison en absence de connaissement. Les parties peuvent prévoir expressément que l’émission de la lettre de garantie en absence de connaissement peut libérer le transporteur à son obligation légale de livraison des marchandises contre présentation du connaissement. Mais il est rappelé qu’elle n’est absolument pas un substitut au titre représentatif des marchandises qui est le connaissement. Celle-ci demeure, en absence du connaissement, toujours irrégulière : la lettre de garantie bancaire au déchargement ne peut suppléer à l’absence de présentation d’exemplaire originaux des connaissements. C’est le point de vue adopté par les différentes juridictions.
Le transporteur peut refuser de livrer la marchandise et la placer en magasin dans l’attente de la présentation du connaissement, mais cette solution n’est pas satisfaisante d’un point de vue économique compte tenu des frais de stationnement des marchandises et le risque de perte et de vol.
Dans quel délai agir ?
Il est important de savoir que les délais d’agir sont extrêmement court.
Selon l’article 3, § 6, de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, amendée par le Protocole de 1968 (règles de La Haye-Visby), le transporteur et le navire seront déchargés de toute responsabilité pour pertes et dommages, à moins qu’une action ne soit intentée dans l’année de délivrance des marchandises.
Normalement, pour le chargeur, la prescription annale doit être écartée, car elle vise uniquement la responsabilité liée aux « pertes ou dommages » causés à la marchandise. Cependant, la Cour de cassation applique ce bref délai même en cas de livraison irrégulière.
La prescription annale prévue par la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 court à compter de la dernière livraison, même si celle-ci était irrégulière.
Sources :
Art. L.5422-1 et suiv. Code des transports
Convention de Bruxelles du 25 août 1924
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968
Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer (“Règles de Rotterdam”)
Convention des Nations Unis sur le transport de marchandises par mer, 1978 (Règles de Hambourg)
CA Rouen, 16 septembre 2010 n°09/03463
Cass.com. 10 juillet 2012 n°11-20.161
Cass.com. 4 janvier 2000, n°96-22.6871
Cass.com. 29 janvier 1991, n°89-13.653
CA Marseille , 12 ch., 8 novembre 2016 n°15/03262
CA Rouen 18 décembre 2014, n°13.06136
Cour d’Appel Aix en Provence, du 27 juin 2005
Cass.com. 11 avril 2012 n°10-27-146