La question des sanctions économiques est davantage d’actualité en raison d’un certain nombre de mesures prises à l’encontre de la Russie.

Que sont les sanctions économiques étant précisé d’emblée que les textes ne parlent que des « mesures » et non pas des « sanctions » ?

Les sanctions économiques constituent des mesures coercitives de nature économique à l’encontre des Etats, des entités ou des personnes. Ces mesures constituent un ensemble de restrictions  commerciales (embargo, blocus, boycott) ou financières (gel des avoirs). Il peut s’agir même de la cessation complète des transactions commerciales ou financières.

Des sanctions peuvent être adoptées pour plusieurs motifs, comme par exemple une violation d’une obligation internationale, menace contre la paix, prolifération nucléaire etc. Elles peuvent être multilatérales, décidées par des organisations internationales, telles que l’ONU, l’UE, l’OSCE ou prises sur une base unilatérale par des Etats.

Les sanctions multilatérales peuvent êtres prises dans un cadre juridique international, par l’ONU ou dans un cadre juridique européen, par l’Union Européenne. Leur fondement est soit la Charte des Etats-Unis, soit un traité international multilatéral ou un traité régional.

  1. cadre juridique international 

Des sanctions peuvent être adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies l’ONU – dont la France est membre permanent – qui relèvent du chapitre VII de la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945. La mission du Conseil de sécurité est le maintien de la paix et de la sécurité internationales (article 24 de la Charte), bien évidemment, dans le respect du droit international.

Lorsque le Conseil de sécurité « constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression », il peut, en vertu de l’article 39 de la Charte, faire des recommandations ou prendre des mesures préventives, répressives, économique mais aussi militaires. Il peut adopter des sanctions économiques contraignantes, des embargos mais également recourir à la force armée.

En effet, le Conseil de sécurité a la possibilité d’imposer des mesures politiques et économiques, telles que l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques (article 41 de la Charte).

Lorsque le Conseil  de sécurité estime lesdites mesures inadéquates, il peut décider le recours à la force armée. Cependant, la plupart des mesures militaires prises en son sein consistent dans des opérations de « maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

L’article 41 de la Charte de l’ONU ne précise pas les situations exactes dans lesquelles les sanctions doivent être adoptées. Il n’existe aucune liste limitative des mesures qui doivent être mises en œuvre, ce qui laisse au Conseil de sécurité une marge d’interprétation pour appliquer des mesures adaptées à chaque situation. Ainsi, les sanctions peuvent par exemple prendre la forme de sanctions économiques, comme un embargo ou des restrictions des échanges commerciaux ou financiers, tel que le gel des avoirs.

Ces sanctions sont obligatoires pour les Etats membres de l’ONU.

L’une des premières sanctions a été prise contre l’Afrique du Sud en réponse à la politique d’apartheid. Un autre exemple concerne un certain nombre de mesures qui ont été prises dans les années 2000, pour contrer le programme nucléaire iranien. Puis, le Conseil a commencé à établir des sanctions plus ciblées pour réduire leur conséquences néfastes.

Les sanctions peuvent concerner les Etats mais aussi les acteurs non-étatiques : groupes rebelles, organisations terroristes et décideurs politiques.

Les sanctions prises par le Conseil de sécurité des Nations Unies en application des articles 25 et 41 de la Charte peuvent être assimilées à des lois de police réellement internationales dont un tribunal ne peut faire abstraction si le litige qu’il tranche entre dans leur périmètre (CA Paris, 3 juin 2020).

Certains organismes régionaux, comme l’Union Européenne peuvent également prendre des mesures coercitives à l’encontre des Etats-membres ou des Etats tiers en vertu des accords signés avec ceux-ci.

  1. cadre juridique européen

L’Union Européenne peut mettre en œuvre les sanctions adoptées dans le cadre du respect des principes de la Charte des Nations Unies.

L’Union Européenne peut aussi imposer des sanctions dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le fondement juridique pour l’adoption des mesures restrictives se trouve dans deux traités de l’Union : le Traité sur l’Union européenne (TUE) et le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

Les sanctions prises dans le cadre de l’Union Européenne à l’encontre des tiers sont appelées « mesures restrictives ».

Les mesures restrictives peuvent être les suivantes: le gel des fonds et des ressources économiques (espèces, dépôts bancaires, titres, actions, etc.) détenus ou contrôlés par des personnes ou des organisations ciblées, qui deviennent inaccessibles et ne peuvent être transférés ou vendus, et des biens immobiliers, qui ne peuvent être vendus ou loués; l’interdiction de visa ou de voyage empêchant l’entrée des personnes dans l’Union Européenne; les mesures d’interdiction sectorielle, par exemple, sur l’importation ou l’exportation de certains biens ou certaines technologies.

Les mesures s’appliquent aux ressortissants des pays de l’Union Européenne se trouvant sur son territoire ou en dehors, aux entreprises et organisations enregistrées en vertu du droit d’un pays de l’UE (y compris les filiales d’entreprises européennes dans des pays tiers), à toute activité économique menée dans tout ou partie de l’UE.

L’Union Européenne adopte ces mesures lorsque un pays non membre de l’UE, des personnes physiques ou morales, des groupes ou des entités non étatiques ne respectent pas le droit international ou les droits de l’homme  et des libertés fondamentales et mènent des politiques ou des actions contraires à l’état de droit ou aux principes démocratiques.

La PESC dont relèvent les mesures restrictives est mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil de l’Union, statuant en principe à l’unanimité (art. 24 TUE). La Commission européenne est une force de proposition et d’exécution des mesures restrictives.

Pour adopter les mesures restrictives, une décision PESC qui prévoit de telles mesures en fonction du contexte est nécessaire. Après l’adoption de cette décision, la Commission européenne présente une proposition de règlement au Conseil. Il est rappelé que le règlement s’intègre directement au droit interne des Etats membres.

L’article 215 TFUE régit principalement l’adoption de la procédure de la mise en œuvre des sanctions. Les décisions en vertu de cet article sont adoptées à la majorité qualifiée. Le Parlement est seulement informé de mesures adoptées.

L’article 275 TFUE indique que « La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune ». Il y a deux exceptions à ce principe : le contrôle de la non-affectation de la PESC sur les autres compétences de l’Union, et pour la question des sanctions : le contrôle de leur légalité dans le cadre de recours faits par les personnes physiques ou morales ciblées par ces mesures.

Les mesures restrictives peuvent être modifiées. La décision PESC ou le règlement peut soit être remplacé par un nouveau texte soit être modifié par un acte de même nature par le Conseil de l’Union. Lorsque les mesures concernent des listes de personnes visées par des mesures de gel, la décision ou le règlement est amendé par un acte d’exécution fixant les modalités de mise en œuvre de l’acte initial.

Enfin, en ce qui concerne l’arbitrage, rappelons qu’il a été jugé récemment que la question de la portée des sanctions est arbitrable et n’est pas contraire à l’ordre public international, comme l’a décidé la Cour de cassation aux termes de sa décision du 15 janvier 2020.