Le droit français de l’arbitrage dispense les arbitres de suivre les règles établies pour les tribunaux étatiques. Cependant, en arbitrage interne, ces règles peuvent s’appliquer si les parties en ont décidé (art.1464 al.1er Code de procédure civile (ci-après « CPC »).
L’article 1464 du CPC énonce la liste des principes directeurs du procès applicables en arbitrage: “sont toujours applicables les principes directeurs du procès énoncés aux articles 4 à 10, au premier alinéa de l’article 11, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 12 et aux articles 13 à 21, 23 et 23-1». Les principes directeurs du procès civil qui y sont énoncés ne sont imposés que dans l’arbitrage interne.
Ce même article ajoute dans son al.3 que « Les parties et les arbitres agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure ».
Il convient d’examiner ces principes directeurs du procès, applicables en matière interne, en commençant par un des principes fondamentaux qui caractérisent tout procès civil.
Principe essentiel de la procédure, le respect de la contradiction, s’applique à l’arbitre qu’il s’agisse de l’arbitrage international ou interne (art. de 14 à 17 du CPC). Le principe de la contradiction est la faculté reconnue aux parties de s’exprimer devant l’arbitre. Ce principe vaut pour le demandeur et pour le défendeur. En effet, chacune des parties doit avoir la possibilité de discuter des faits et des moyens que ses adversaires lui ont opposés et ce, tout le long de la procédure arbitrale. Il exige que le demandeur informe le défendeur de ses prétentions, que les parties échangent en temps utile leurs conclusions et leurs pièces, que les débats soient eux-mêmes contradictoirement menés.
Il est utile de savoir que le caractère contradictoire du débat n’implique pas nécessairement un débat oral : il suffit à la stricte satisfaction du contradictoire que chacune des parties ait connu les demandes et les moyens de l’autre et ait été en mesure d’y répondre en temps utile.
Il a été jugé que le principe de la contradiction exige que « les parties aient pu faire connaitre leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui aurait servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débat contradictoire » (CA Paris, 18 septembre 2012).
Ce principe a été rappelé dans une affaire récente : « Le principe de la contradiction permet d’assurer la loyauté des débats et le caractère équitable du procès. Il interdit qu’une décision soit rendue sans que chaque partie ait été en mesure de faire valoir ses prétentions de fait et de droit, de connaître les prétentions de son adversaire et de les discuter. Il interdit également que des écritures ou des documents soient portés à la connaissance du tribunal arbitral sans être également communiqués à l’autre partie, et que des moyens de fait ou de droit soient soulevés d’office sans que les parties aient été appelées à les commenter » (CA Paris, 2 avril 2019, n° 16-24358).
Le respect du contradictoire s’impose non seulement aux parties mais aussi aux arbitres. Les arbitres ont l’obligation, en toutes circonstances, de faire observer et d’observer eux-mêmes le principe de la contradiction. Ils doivent mettre les parties en mesure de débattre contradictoirement, à l’écrit ou à l’oral, des faits et de tout ce qui sert de fondement à la décision de l’arbitre (CA Paris, 25 novembre 1999). Les arbitres doivent soumettre aux parties tout moyen, même d’ordre public, relevé d’office.
Cependant, les arbitres ne sont pas obligés de prendre en compte des écritures ou pièces tardives, ce qui a été jugé par la Cour d’appel de Paris qui a rappelé que « Le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débats contradictoire…Le fait pour les arbitres d’écarter des écritures tardives, loin de méconnaitre le principe de la contradiction, en assure le respect » (CA Paris, 23 juin 2015).
Le contrôle a posteriori par le juge est très tatillon. La Cour d’appel de Paris vérifie si chaque pièce a bien fait l’objet d’une discussion contradictoire.
Un autre principe auquel renvoie le droit de l’arbitrage concerne le principe dispositif, relatif à la détermination par les parties de l’objet du litige, fixé dans l’acte introductif d’instance et dans les conclusions en défense (art. 4 du CPC). L’arbitre ne peut pas sortir du cadre de cet objet, ne pouvant se prononcer que sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé (art.5 du CPC). Il ne peut fonder sa décision que sur des faits qui sont dans le débat (art.7 du CPC). Quant aux plaideurs, ils ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions (art.6 du CPC). Cependant, l’arbitre peut restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée (art.12 al.2 et 3 du CPC). En outre, l’arbitre peut inviter les parties à fournir les explications de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige (art.13 du CPC).
Ces renvoies au principe de la contradiction et au principe dispositif sont complétés par les principes relatifs aux droits de la défense, tels que l’absence de représentation obligatoire et le libre choix d’un défenseur devant l’arbitre (article 18 à 20 du CPC), à la preuve (art.8, 9, 10 11 al.1er du CPC), à la mission de conciliation de l’arbitre (article 21 du CPC) et les principes applicables aux parties non francophones ou malentendantes (art.23 et 23-1 du CPC).
Il existe aussi certains principes directeurs qui n’ont pas été repris par l’article 1464, par exemple les articles 1 à 3 qui déterminent les pouvoirs d’initiative des parties et du juge dans la conduite du procès. Aussi, le principe de la publicité des débats institué par l’article 22 est-il inapplicable puisque, sous réserve des obligations légales, la procédure arbitrale est soumise au principe de confidentialité, à moins que les parties n’en disposent autrement (art. 1464 dern.al du CPC).
L’article 12 al.1er du CPC qui énonce que le jugement doit être rendu conformément aux règles de droit n’est pas applicable puisque les arbitres peuvent être investis d’une mission d’un amiable compositeur.
L’article 1464 al. 2 du CPC ne vise non plus l’article 24 relatif à l’obligation de réserve des parties à l’égard du juge, les sanctions autorisées, telle que l’affichage d’un jugement, n’étant pas adaptées à l’arbitrage.
A condition de respecter les principes directeurs du procès, l’article 1464 du CPC offre aux parties et aux arbitres toute latitude pour retenir les règles procédurales de leur choix.
En arbitrage international, si les arbitres ont la liberté de régler la procédure arbitrale, ils ne sont pas dispensés du respect des principes fondamentaux auxquels les parties ne peuvent pas déroger. En effet, l’article 1510 du CPC dispose que « quelle que soit la procédure choisie, le tribunal arbitral garantit l’égalité des parties et respecte le principe de la contradiction ». Le non-respect de ces principes donne lieu à l’annulation de la sentence.
Précisions que l’article 1464 al.3 du CPC précité est également applicable en matière internationale. Il est à noter qu’en matière d’arbitrage international, l’article 1464 s’applique lorsque la loi française est applicable à l’arbitrage.
Les principes directeurs du procès ont, devant les arbitres, une importance plus grande encore que devant le juge étatique. Les arbitres, qui dirigent le procès, ne dispose pas d’une totale liberté dans sa mission. Afin de garantir un procès équitable aux parties, les arbitres doivent respecter et faire respecter les droits de la défense et veiller au caractère contradictoire de la procédure.