Les transactions sur le marché des céréales se faisaient autrefois oralement et la parole donnée valait contrat. Il est bien connu que c’est le courant de confiance qui passe entre les parties qui forme le contrat.

Depuis quelques décennies, les pratiques du commerce des céréales évoluent et deviennent plus complexes. Le développement des pratiques contractuelles de confirmation écrite de contrats conclus verbalement et le recours à l’arbitrage s’inscrivent dans cette évolution.

En effet, si les usages pratiqués dans le secteur du négoce des céréales, repris dans les contrats-type, permettent toujours de conclure les contrats oralement, désormais il est recommandé de les confirmer par écrit. D’autant plus que la clause compromissoire qui prévoit le recours à l’arbitrage pour régler les litiges entre les parties doit, conformément aux dispositions de l’article 1443 du Code de procédure civile, être écrite, s’agissant d’un arbitrage interne. Dans cette optique, tous les contrats-type, tels que les contrats INCOGRAIN, les RUFRA ou les RULEG comportent une clause compromissoire.

Fruit de cette complexification, de nombreuses questions venant du monde agricole se posent devant les juges.

L’une des questions récemment traitée était de distinguer un véritable contrat comportant une clause d’arbitrage pouvant être opposé à un exploitant agricole qui conduit l’exploitation en société de forme civile d’une « offre » de contrat ou d’une clause d’arbitrage.

La jurisprudence récente nous éclaire sur cette question.

Dans une affaire qui a été soumise récemment à la Cour d’appel de Paris, une société de négoce a adressé à une société d’exploitation agricole une confirmation de contrat par courrier électronique qui confirmait la conclusion du contrat conclu verbalement dans ces termes : « Nous avons l’honneur de vous confirmer l’affaire traitée …. ». En réponse, cette dernière a indiqué que la marchandise avait été vendue et qu’elle considérait qu’en l’absence de nouvelles de sa contrepartie, celle-ci considérait que le contrait n’avait pas été conclu.

La société d’exploitation agricole, demanderesse au recours, alléguait l’absence du contrat qu’elle qualifiait d’une « offre » de contrat et d’une clause compromissoire en précisant qu’il n’y avait jamais eu de relations d’affaires antérieures entre les parties. Elle contestait également être professionnelle du commerce de céréales et prétendait n’exercer qu’une activité civile d’exploitation agricole en en déduisant qu’aucune clause compromissoire ne pouvait lui être opposée.

Dans son arrêt rendu en septembre 2023, la Cour d’appel de Paris interprétait la confirmation d’achat adressée par courrier électronique comme étant la suite des négociations orales intervenues entre les parties. Cette confirmation d’achat manifestait ainsi l’accord des parties sur la chose et le prix.

La Cour interprétait également les courriers électroniques échangés entre les parties postérieurement à la conclusion du contrat et plus précisément au moment où son exécution aurait dû intervenir pour conclure que le contrat était bien en cours d’exécution et que la preuve de l’existence d’un contrat était donc rapportée.

Dans la même affaire, la Cour d’appel constatait que le contrat visait les RUFRA et comportait une clause d’arbitrage.

Elle constatait également que le contrat de vente faisait référence à une convention d’arbitrage que la Cour d’appel jugeait conforme aux dispositions de l’article 1443 du Code de procédure civil qui exige, en matière interne, la forme écrite de la convention d’arbitrage, à peine de nullité.

Par conséquent, elle concluait que la société d’exploitation agricole ne pouvait sérieusement soutenir qu’elle n’avait pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle alors qu’elle est spécialisée dans le secteur d’activité de la culture de céréales et que le contrat de vente fait partie de celui-ci.

A partir de ce constat, la Cour indiquait que la clause compromissoire était opposable à la société d’exploitation agricole, peu importe l’absence de relations contractuelles antérieures entre les parties.

Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est une illustration de l’abondant contentieux opposant des entreprises agricoles à des sociétés de négoce de céréales au sujet du sort de la clause compromissoire. A cette occasion,  on rappellera également pour mémoire  un arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2014 qui a décidé que la clause compromissoire, prévue par le contrat de vente de céréales, était opposable à un agriculteur professionnel du commerce des grains.

Solution qu’il faut considérer conforme à l’article 2061 du code civil selon lequel la clause compromissoire est opposable à celui qui y a consenti dans le cadre de son activité professionnelle.

En conclusion, l’arbitrage est parfaitement adapté aux besoins du monde agricole. C’est une des raisons pour lesquelles il est d’usage de recourir à l’arbitrage dans le secteur du négoce des céréales.

Le monde agricole doit donc être conscient que la clause compromissoire assure la sécurisation de la commercialisation des produits agricoles et qu’il serait erroné de négliger l’impact de cette clause dont l’implantation dans le mode agricole est facilité par le juge étatique. A son tour, le négoce de céréales fournit à l’arbitrage des solutions permettant d’assurer au mieux le développement de la clause d’arbitrage.