Le recours à l’arbitrage suppose la renonciation à la compétence des juridictions étatiques.

Or, l’impossibilité de soumettre un litige aux arbitres est l’une des conséquences d’une convention d’arbitrage mal rédigée.

Quelques règles vous aideront à l’éviter.

Rappelons que la convention d’arbitrage est un contrat par lequel les parties décident de soumettre leur litige non pas aux juridictions étatiques mais aux personnes privées de leur choix, les arbitres.

En présence d’une convention d’arbitrage, les juridictions étatiques doivent se déclarer incompétentes si elles sont saisies. Cette règle, posée par l’article 1448 du Code de procédure civile, est valable dans l’hypothèse où le tribunal arbitral est déjà saisi. Dans le cas contraire, les juridictions étatiques retrouvent leur compétence en cas de nullité manifeste ou l’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage.

  • distinction entre la clause compromissoire et le compromis

Lorsque la convention d’arbitrage est rédigée avant la naissance d’un litige afin de régler un éventuel litige à naître, elle porte le nom de clause compromissoire. L’article 1442 du Code de procédure civile donne sa définition comme suit : « La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou ces contrats ».

La clause d’arbitrage est rédigée le plus souvent au moment de la rédaction du contrat ou des statuts et en tout cas au moment où les parties ignorent encore la nature de leur litige éventuel. C’est la raison pour laquelle une attention particulière doit être protée à sa rédaction. Lorsque la clause est mal rédigée, elle peut ralentir, voire paralyser le procès.

Lorsque les parties demandent aux arbitres de trancher un litige déjà né, elle porte le nom de compromis, défini par l’article 1442 du Code de procédure civile comme « la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l’arbitrage ».

La rédaction d’un compromis pose moins de difficultés puisqu’il est rédigé lorsque le litige est déjà connu.

  • conditions de validité de la convention d’arbitrage

Les parties doivent bien évidemment respecter les conditions de validité de la clause compromissoire.

Les exigences de l’article 2060 du Code civil doivent être respectées en vertu duquel la clause compromissoire ne peut jamais avoir pour objet l’état, la capacité des personnes, le divorce, la séparation de corps, les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics ou les matières qui intéressent l’ordre public. Par exemple, la clause ne peut pas viser les litiges pour lesquels la loi a attribué une compétence impérative à une juridiction, par exemple, procédures collectives, nantissement de fonds de commerce etc.

Attention, le recours à l’arbitrage n’est pas exclu du seul fait qu’une règlementation d’ordre public est applicable au rapport de droit litigieux.

  • conditions de forme

Conformément à l’article 1443 du Code de procédure civile, la clause compromissoire doit être écrite en matière interne, sous peine de nullité. Elle peut résulter d’un échange d’écrits (échange de lettres, de mails etc.). La clause compromissoire peut également figurer dans un document (conditions générales, contrat-type) auquel le contrat principal fait référence.

Lorsque l’arbitrage est international, la clause compromissoire n’est soumise à aucune condition de forme en vertu de l’article 1504 du Code de procédure civile mais compte tenu de l’enjeu de la clause, il est vivement recommandé de la libeller par écrit.

  • rédaction de la convention d’arbitrage

Avant de rédiger la convention d’arbitrage, il est important de décider s’il faut recourir à l’arbitrage institutionnel ou ad hoc (voir l’article « L’arbitrage institutionnel et l’arbitrage ad hoc : quelles différences ? »).

Pour être efficace, une clause d’arbitrage doit être élaborée avec une attention particulière.

Une clause compromissoire ne doit pas être nécessairement longue et détaillée. Elle doit être claire et simple.

Dans le cadre d’un arbitrage institutionnel, les centres d’arbitrage fournissent aux parties une clause-type d’arbitrage. La simplicité des termes et la précision sont très importantes. Le plus simple est de copier cette clause proposée. Afin d’éviter les rédactions hasardeuses, l’usage de modèles promus par les institutions permettent d’éviter un contentieux « parasite » qui porte uniquement sur l’interprétation des clauses compromissoires.

Voici un modèle d’une telle clause compromissoire :

« Toute contestation survenant à l’occasion du présent contrat sera résolue par arbitrage sous l’égide de [LE NOM EXACTE DE L’INSTITUTION D’ARBITRAGE] conformément à son Règlement que les parties déclarent connaître et accepter. »

Il vaut mieux éviter de rajouter plusieurs précisions, sauf si cela est nécessaire. Les parties peuvent préciser, par exemple, les éléments suivants :

  • appellation exacte de l’institution si les parties se réfèrent à une institution;
  • règlement d’arbitrage applicable ;
  • choix de l’arbitre unique ;
  • siège de l’arbitrage ;
  • langue de l’arbitrage ;
  • droit applicable au fond ;
  • amiable composition, s’il y a lieu ;
  • une clause de médiation préalable si les parties décident d’organiser le processus de médiation avant de recourir à l’arbitrage.

Les clauses d’arbitrage ad hoc sont généralement plus longues puisqu’elle doivent décrire toute la procédure d’arbitrage qui va s’appliquer à défaut d’un règlement d’arbitrage existant. Elles doivent être très précises quant aux modalités de constitution du tribunal arbitral, des délais et décrire précisément chaque étape de la procédure arbitrale.

Malheureusement, ce sont ces clauses, souvent trop sommaires, qui donnent lieu aux difficultés.

En effet, une mauvaise rédaction de la convention d’arbitrage peut suffire à rendre impossible la désignation des arbitres ou la remettre en cause, ce qui peut conduire à la constatation de l’irrégularité de la procédure arbitrale.

Voici un exemple d’une telle clause qui a donné lieu à la décision de la Cour d’appel de Chambéry du 17 mars 2015 : « En cas de contestations, les parties s’obligent à soumettre leur différend à l’arbitre qui se comportera en amicale compositeur. Au cas où les parties ne trouveraient aucun accord sur la désignation d’un arbitre, elles en désigneraient chacune un, ces deux arbitres réunis désignant d’un commun accord un troisième arbitre. Thonon-les-Bains. »

Si cette clause établit la volonté des partis de recourir à l’arbitrage, la maladresse de la rédaction est perceptible en cas de désaccord entre les parties sur la désignation de l’arbitre ou des arbitres.

Une autre clause rédigée de façon maladroite a donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 28 avril 2016. La clause compromissoire indiquait que tout litige « pourra » être soumis par une partie à un organe d’arbitrage. Cependant cette formulation place la voie arbitrale en recours facultatif entre les parties.

Cependant souvent, lors de la conclusion du contrat, les parties se posent peu de questions sur les éventuels litiges alors qu’en décidant d’insérer une clause d’arbitrage, les parties ont l’intention d’établir un mécanisme efficace pour le règlement de leurs litiges visés par cette clause.

La difficulté est que souvent, elle vient à la négociation après l’accord des parties sur toutes les autres clauses ou dans une ambiance conviviale du commencement des affaires. Dans ce contexte, il peut être plus difficile de convaincre le client pour insérer ou changer la clause si cela est nécessaire. En même temps, on sait que les meilleures stratégies qui peuvent atténuer les risques du procès sont celles qui sont mises en place très en amont du litige.

  • recommandations

Compte tenu de ces considérations, même si le litige paraît improbable et lointain, il est important de s’attarder avec prudence sur la rédaction de la clause compromissoire au stade de la négociation du contrat.

Il est vivement conseillé pour la rédaction d’une clause d’arbitrage de s’adresser à un avocat expérimenté en matière d’arbitrage puisque en cas de difficultés lors de la naissance du litige, la sentence rendue par les arbitres peut être fragilisée alors que la sentence représente un véritable intérêt économique.

Cette recommandation concerne en particulier des clauses d’arbitrage ad hoc qui donne souvent lieu à des difficultés qui obligent les parties à saisir le juge. Les statistiques montrent que les sentences ad hoc sont plus souvent annulées que les sentences des centres institutionnels (Sophie CREPIN, Les sentences arbitrales devant le juge français, Portique de l’exécution et du contrôle judiciaire depuis les réformes de 1980-1981).