L’obligation de payer le prix du transport ainsi que des prestations annexes incombe normalement à l’expéditeur, au donneur d’ordre ou au destinataire. Cette obligation devient exigible dès la présentation de la facture.

Cependant, que faire si le transporteur qui effectue sa mission n’est pas payé pour ses services ? Peut-il exercer un droit de rétention sur la marchandise ?

Le droit de rétention : un recours pour le transporteur

La loi est favorable au transporteur.

Selon l’article L.133-7 al.1er du code des transports, le voiturier bénéficie d’un privilège sur les marchandises qu’il transporte ainsi que sur les documents associés, pour toutes créances de transport non réglées. Ce privilège permet au transporteur de retenir la marchandise jusqu’au paiement de la facture.

Rappelons que le droit de rétention est une mesure permettant à un créancier de retenir un bien appartement à son débiteur jusqu’à ce que ce dernier s’acquitte de sa  dette. Pour les transporteurs, ce droit est particulièrement pertinent en cas d’impayés.

Conditions d’exercice pour exercer le droit de rétention

  1. existence d’une créance certaine, liquide et exigible : le transporteur peut exercer le droit de rétention si sa créance est certaine, liquide et exigible. Par exemple, l’exercice du droit de rétention peut être refusé par les juges au transporteur pour garantir le solde de sa créance, si sa contrepartie invoque l’existence d’un retard ou son droit à réparation puisqu’en vertu de l’article 1347-1 du code civil, la compensation suppose que les créances et les dettes réciproques soient certaines, liquides et exigibles.
  2. une créance connexe : la créance doit avoir un lien direct avec la marchandise retenue, c’est-à-dire, la marchandise retenue doit être celle pour laquelle le transporteur est impayé. Par exemple, si le commissionnaire paie des frais de surestaries de conteneurs pour le compte de son client, il peut  retenir en garantie ces conteneurs.

Mais attention, le transporteur n’a pas le droit de vendre la marchandise et d’être payé sur le prix de cette vente.

Par ailleurs, le transporteur qui exerce ce droit n’est pas atteint par la règle de suspension des poursuites (art. L. 642-20-1 du code de commerce).

Ce n’est ni une action en justice, ni une voie d’exécution. Il constitue une sûreté réelle, opposable aux tiers.

  1. bonne foi : le transporteur doit agir de bonne foi, c’est-à-dire sans intention malveillante ou abusive.

Rétention de la marchandise et des documents de transport

Le droit de rétention implique nécessairement la détention matérielle de la marchandise sur laquelle il porte. En vertu de l’article L.133-7 al.1er du code des transports, le transporteur impayé qui détient les marchandises peut effectuer un droit de rétention sur elles tant qu’il n’est pas payé.

Le transporteur peut retenir non seulement la marchandise mais aussi les documents de transport tels que la lettre de voiture, le connaissement ou la lettre de transport aérien, ce qui est tout autant efficace puisque les documents de transport sont toujours nécessaires pour exercer les droits sur la marchandise.

Selon l’article L.133-7 al.2 du code des transports, le droit de rétention porte sur le paiement non seulement du prix de transport au sens strict mais aussi sur le prix des prestations annexes, sur les frais d’immobilisation du véhicule au chargement (ou au déchargement), sur les frais engagés dans l’intérêt de la marchandise, les droits, taxes, frais et amendes de douane liés à une opération de transport et les intérêts.

Le transporteur peut également retenir une marchandise en garantie de paiement d’une créance née à l’occasion d’un transport antérieur demeuré impayé.

La procédure à suivre

  • notification au client : le transporteur doit informer son client de son intention de retenir la marchandise en raison de non-paiement. Cette notification, de préférence par lettre R.A.R., doit être claire et documentée.
  • conservation de la marchandise : le transporteur doit s’assurer que la marchandise est conservée en bon état. Il est responsable de la marchandise tant qu’elle est sous sa garde.

Propriété de la marchandise

La rétention est plus simple à appliquer lorsque la marchandise appartient à l’expéditeur qui doit régler le prix du transport.

Toutefois, retenir la marchandise qui n’appartient pas au débiteur, par exemple au destinataire qui n’est pas débiteur du prix du transport peut être plus complexe et nécessite souvent une négociation pour le paiement direct au transporteur. Mais cette solution se conçoit difficilement si l’acheteur ne doit pas contractuellement supporter les frais de transport.

Limites et risques du droit de rétention

La situation n’est pas très agréable pour le transporteur : le véhicule chargée est immobilisé, le salaire du conducteur reste dû, les démarches destinées à résoudre les difficultés sont multiples, ce qui génère une perte de temps inutile.

Le propriétaire de la marchandise peut avoir recours aux services d’un commissionnaire et estimer donc que le transporteur n’a pas le droit de retenir la marchandise puisqu’il est tiers au contrat de commission de transport.

Précautions et alternatives

Avant d’exercer le droit de rétention, le transporteur doit vérifier les stipulations contractuelles pour éviter toute contestation, en particulier :

  • vérifier si le contrat de transport ne déroge pas au droit de rétention ;
  • vérifier que le prix du transport n’est pas exigible après la livraison, puisque la créance doit être impayée pour que le droit de rétention puisse être exercée par le transporteur.

Le transporteur doit faire attention pour que son débiteur ne considère pas la marchandise comme une perte faute de livraison dans les délais contractuels.

Denrées périssables

Une attention particulière doit être portée en cas de transport de denrées périssables, par exemples, les fruits et légumes, les surgelés etc. puisque la marchandise peut être avariée pendant la durée de la rétention.  Le transporteur est gardien de la chose et peut répondre des dommages subis par la marchandise lors de la rétention.

Il est souvent préférable de rechercher une solution amiable avant d’exercer ce doit mais si aucune solution n’est trouvée, il est nécessaire d’envisager d’engager une action en justice pour recouvrer la créance.

Fin de la rétention

Le paiement du prix du transport met fin à la rétention, ce qui oblige le transporteur de livrer la marchandise et mettre fin à sa détention. Selon l’art. 2286 dern.al. du code civil, le droit de rétention se perd par dessaisissement volontaire.

Conclusion : exercer un droit de rétention est une solution efficace pour les transporteurs confrontés à des impayés mais cette démarche doit être entreprise avec prudence et dans le respect des conditions contractuelles. N’hésitez pas à consulter une avocat spécialisé pour vous accompagner dans cette démarche.