Les entreprises qui utilisent ponctuellement des véhicules industriels – camions, bennes, camionnettes, semi-remorques, grues, camions-citernes, fourgons, malaxeurs à béton, etc.[1] peuvent opter pour la location de ces véhicules afin d’éviter la gestion directe d’une flotte. Cette solution permet de disposer d’un véhicule opérationnel moyennant rémunération, sans se charger de son entretien ou de sa maintenance.
La location de véhicules industriels n’est pas le déplacement de marchandises mais la location d’un véhicule en bon état. Elle engage des obligations légales et contractuelles précises, tant pour le loueur que pour le locataire.
Cet article détaille le cadre juridique, les responsabilités de chaque partie et les obligations financières liées à la location de véhicules industriels afin d’éclairer les entreprises sur les enjeux de leurs opérations.
- Cadre juridique de la location de véhicules industriels
Le contrat de location de véhicule est la convention par laquelle un loueur met à la disposition du locataire un véhicule déterminé, avec ou sans conducteur, pour une durée déterminée ou indéterminée ou encore pour une opération spécifique, moyennant rémunération.
La location de véhicule routier destiné au transport de marchandises est soumise aux règles du droit commun des contrats et du louage de choses (art. 1719 et suiv. Code civ.).
La location de véhicule routier avec conducteur obéit à des règles supplémentaires, figurant au Code des transports qui sont justifiées par la fourniture des services d’un conducteur. Plus précisément, les relations entre les parties au contrat sont de plein droit régies par les dispositions du contrat-type de location de véhicule routier industriel avec conducteur, établi en application de l’art. L. 3223‑1 du Code des transports et qui figure à l’art. D. 3223‑1 (annexe VIII de la partie réglementaire).
Aucune forme particulière n’est imposée par les textes pour le contrat de location de véhicule sans conducteur.
- Régime de responsabilités
Dans la location, le loueur n’est qu’un fournisseur de moyens de transport qui les met à la disposition du locataire. Le loueur du véhicule, avec ou sans conducteur, ne prend jamais la marchandise en charge et n’exécute pas les opérations de transport et ainsi n’encourt pas de responsabilité pour les dommages subis.
C’est le locataire qui s’engage à déplacer les marchandises, utilisant le véhicule loué. Le locataire peut être un professionnel du transport (transporteur ou commissionnaire) ou un chargeur agissant pour son propre compte.
En location avec conducteur, pour justifier de la régularité de son immatriculation, le loueur doit remettre copie de sa licence de transport autorisant l’exercice de la profession de loueur au locataire (art. 13 du contrat-type).
2.1. Responsabilité du loueur
Le loueur a l’obligation de mettre à la disposition du locataire un véhicule industriel, avec personnel de conduite, en cas de location du véhicule avec conducteur et fournir les moyens et les services nécessaires à son utilisation (article 2 contrat type).
Le véhicule industriel doit être :
- adapté à la nature des marchandises à transporter,
- muni des équipements et des documents requis,
- en permanence en bon ordre de marche, de présentation, d’entretien et de propreté.
En location sans conducteur, le loueur est responsable du véhicule.
En location avec conducteur, le loueur doit fournir au locataire un conducteur – qui reste salarié du loueur (art. 14.1 du contrat-type) – qui doit répondre aux conditions ordinaires d’expérience, de prudence et de tempérance et posséder les aptitudes professionnelles nécessaires (art. 2 du contrat-type).
Dans ce dernier cas, le loueur est donc responsable des vices du véhicule et des opération de conduite (art.5 du contrat-type), en l’absence de toute disposition contraire prévue expressément. Ces opérations, précisées dans le contrat-type, comprennent notamment :
- la conduite des véhicules (le loueur est responsable des fautes de conduite du conducteur);
- la protection du véhicule contre le vol dans des conditions normales de vigilance ;
- la préparation technique du véhicule ;
- la mise en œuvre et la surveillance de ses équipements spéciaux (dispositif de transport sous température dirigée, hayon élévateur, bras de manutention…). La mise en œuvre de ces équipements est subordonnée à l’autorisation préalable du locataire ;
- la vérification, avant le départ, du chargement, du calage et de l’arrimage du point de vue de la sécurité de la circulation.
S’agissant de la responsabilité des marchandises, il est important de rappeler que le loueur ne prend pas la marchandise en charge et, contrairement au contrat de transport, n’en est pas garant.
Cependant, il répond des dommages occasionnés aux marchandises s’ils résultent d’un vice technique du véhicule, d’un vice caché du véhicule. Le loueur peut également répondre des pertes et dommages à la marchandise provenant d’une faute de conduite du conducteur.
Le loueur est responsable des dommages que son véhicule pourrait causer aux tiers. Il répond également des dommages causés aux tiers par les marchandises lorsque ceux-ci résultent d’une faute dans l’exécution d’une opération de conduite (art.11 du contrat-type).
En location avec conducteur, le loueur répond des conséquences des infractions du Code de la route du fait du personnel de conduite ou imputables à l’état du véhicule, sauf le cas lorsque ces infractions résultent des instructions données par le locataire.
2.2. Responsabilité du locataire
Une lourde responsabilité pèse sur le locataire. Les opérations à la charge du locataire sont toutes les opérations qui ne sont pas de conduite.
En location sans conducteur, les opérations de conduite incombent au locataire.
En location avec conducteur, le locataire supporte les risques et responsabilités liés aux opérations de transport (art.6 du contrat-type) qui comprennent notamment:
- le chargement, la manutention de la marchandise ;
- le calage et arrimage en vue de la conservation de la marchandise ( com., 28 juin 2017 n°14-14.228);
- le déchargement ;
- la détermination de l’itinéraire ;
- la détermination du poids de la marchandise compte tenu de la charge utile du véhicule ;
- la maîtrise des horaires et des tournées ;
- la garde de la marchandise ( 1242 du code civil).
C’est le locataire qui supporte la responsabilité en cas de pertes et avaries aux marchandises transportées, sauf à trouver un vice caché du véhicule ou une faute du loueur (art. 7 du contrat-type).
En location avec conducteur, il peut être exonéré de sa responsabilité s’il parvient à prouver une faute du loueur dans le choix du conducteur. Lorsque le conducteur participe à des opérations de transport, il agit sous la responsabilité du locataire qui doit ainsi porter à la connaissance du conducteur toute information nécessaire à la bonne exécution de l’opération de transport.
Le locataire doit restituer le véhicule dans l’état où il l’a reçu, en dehors de l’usure normale. Il est présumé responsable quant à la perte ou aux dommages occasionnés au véhicule (art. 4 et art.9 du contrat-type). Il appartient donc au locataire de faire des réserves, lors de la mise à disposition, sur l’état du véhicule. Faute de réserves, il sera présumé avoir reçu le véhicule en bon état.
Il encourt également les risques liés aux infractions à la réglementation des transports (art.13 du contrat-type).
Si le locataire supporte une responsabilité de plein droit, il bénéficie en revanche des limitations de responsabilité établies par les contrats types ou les conventions internationales.
Enfin, les obligations financières sont directement liées à la responsabilité contractuelle du locataire. Le délai de paiement ne peut dépasser 30 jours à compter de l’émission de la facture (art. 17.1 du contrat-type). En cas de retard, les intérêts sur le taux légal majoré s’appliquent ainsi qu’une indemnité forfaitaire de 40 € pour frais de recouvrement.
Rappelons que selon l’article L. 3221-1 du Code des transports, le prix doit couvrir charges légales et réglementaires (sociales, sécurité…), carburant et entretien, amortissement ou loyers du véhicule, frais de route et péages, documents de transport, timbres fiscaux, rémunération du chef d’entreprise (pour les entreprises unipersonnelles). Lorsque le contrat mentionne les charges carburant, le prix doit être ajusté automatiquement selon la variation du carburant entre la date du contrat et celle de l’opération (art. L. 3222-1 Code des transports). Sinon, les règles de l’article L. 3222-2 s’appliquent. La prime d’assurance est à la charge du locataire, sauf stipulation contraire.
2.3. Tableau comparatif : responsabilités et obligations – location de véhicule industriel
| Obligations/responsabilités | Location sans conducteur | Location avec conducteur
|
| Véhicule | Loueur : fourniture, état, maintenance | |
| Conducteur | Locataire | Loueur : conducteur qualifié |
| Opérations de conduite | Locataire | Loueur |
| Opérations de transport | Locataire : exécution et maîtrise | |
| Prise en charge de la marchandise | Aucune/ Responsabilité dommage marchandise en si vice caché du véhicule ou faute de conduite | Locataire |
| Restitution du véhicule | Locataire : restitue le véhicule dans l’état reçu hors usure normale | |
| Paiement du prix | Locataire | |
- Point de vigilance particulier : distinction entre location et transport
En location sans conducteur, il s’agit nécessairement d’un contrat de location puisque le loueur n’assume aucune obligation de transport.
La situation est beaucoup moins évidente en cas de location avec conducteur. Dans certains cas, en cas de dommages subis par les personnes ou marchandises transportées, la responsabilité peut basculer vers le loueur, et le contrat de location peut être requalifié en contrat de transport, entraînant l’application du régime de responsabilité beaucoup plus lourd du transporteur.
En effet, la distinction entre les deux contrats repose sur un critère essentiel : la maîtrise du déplacement. En location, la maîtrise des opérations de transport doit appartenir au locataire qui donne les instructions au conducteur. Si le loueur conserve en réalité la maîtrise des marchandises, le contrat peut être requalifié en contrat de transport.
Pour apprécier la qualification du contrat, la jurisprudence examine un ensemble d’indices, considérés globalement, comme par exemple inscription aux registres professionnels, type de facturation (temps, kilométrage, prestation), existence d’une maîtrise opérationnelle du loueur, documents de transport utilisés etc.
Cette analyse au cas par cas montre l’importance de sécuriser la rédaction du contrat afin d’éviter une requalification susceptible d’alourdir considérablement les obligations du loueur ou du locataire.
Pour sécuriser vos opérations et éviter tout risque juridique, il est important de bénéficier d’un accompagnement juridique adapté qui vous aidera à rédiger vos contrats, alliant prévention et protection, et à disposer d’une stratégie claire en cas de contentieux.
Pour toute question relative aux contrats de location de véhicules industriels, vous pouvez contacter le cabinet à l’adresse guerif@iguerif.com ou via le formulaire de contact sur le site.
[1] Les véhicules concernés sont les véhicules industriels, c’est-à-dire « tout véhicule moteur ou ensemble de véhicules munis de roues, affectés au transport de marchandises » (art.1 du contrat-type LVI).

