Le choix du droit applicable au contrat : causes et conséquences
Pour des raisons de compétitivité, plusieurs secteurs se trouvent impliqués de plus en plus à l’international.
D’un point de vue juridique, comment se lancer à l’international sans craintes ?
A défaut des règles juridiques internationales homogènes et prévisibles, il est nécessaire de prévoir les règles qui vont régir les relations entre les parties. Les parties doivent ainsi créer elles-mêmes un cadre conventionnel de leur contrat. Définir d’une manière détaillée les droits et les obligations contractuelles dans le contrat est souhaitable mais la prévisibilité sera encore plus augmentée si les parties choisissent la loi applicable à leur transaction.
Le choix de la loi applicable est l’une des question des plus importantes puisque les dispositions de cette loi vont régir notamment les droits et les obligations des parties, l’exécution et le défaut d’exécution du contrat, sa validité et son interprétation au cours de son exécution. En cas de litige, ce sont ces règles que les juges ou les arbitres vont interpréter ou appliquer.
Généralement, les parties choisissent l’application du système de droit qui leur est familier. Il est parfois révélé que la partie « forte » arrive, compte tenu de sa position dominante, à imposer l’application de son droit national. Cependant, il y toujours une certaine marge de discussion et une certaine concession peut toujours être faite lors des négociations. Là encore, quelle loi choisir ?
Quelle loi choisir ?
Les parties sont libres de conclure des contrats et négocier leur contenu. Les parties ont la même liberté de choisir la loi applicable au contrat. Il s’agit du principe de l’autonomie de la volonté. Si les parties n’ont pas expressément choisi de loi, le juge ou l’arbitre détermineront cette loi prenant en considération les éléments du contrat et les circonstances de la cause.
Les parties peuvent choisir n’importe quelle loi, même une loi qui n’a aucun lien avec le contrat. Elles peuvent même choisir aucune loi.
La situation la plus courant est le choix par les parties contractantes d’une loi d’un Etat déterminé pour régir un contrat international en prenant en compte un certain nombre de facteurs importants comme, à titre d’exemple, l’existence d’un régime de protection particulier ou l’absence de conditions spéciales.
Les opérateurs du commerce international peuvent également choisir les règles a-nationales qui ne sont rattachées à aucun système juridique national particulier.
De quelles règles s’agit-il ?
Ces règles peuvent être constituées de standards internationaux, de contrats-type ou encore de guidelines. Certaines ont été répertoriées et codifiées, comme les principes UNIDROIT mais d’autres non comme la lex mercatoria au sens général.
Ces règles peuvent s’appliquer soit à titre principal, soit à titre complémentaire, sauf volonté contraire des parties, pour permettre aux juges ou aux arbitres de moduler l’application d’un droit étatique applicable au contrat.
La possibilité de choisir des règles a-nationales
Les parties ont la possibilité de choisir des règles a-nationales comme applicables à leur contrat. La portée de ce choix dépend de l’interprétation que font les juges ou les arbitres de la volonté des parties, selon la formulation de la clause de droit applicable, la volonté des parties lors de la négociation de la clause etc.
De même, certains systèmes juridiques nationaux ne reconnaissent pas un tel choix, ce qui pourra poser problème quand il s’agira d’inscrire le jugement ou la sentence arbitrale dans un ordre étatique dans le cadre de l’exequatur par exemple. Cela peut donc poser des problèmes de sécurité et d’instabilité juridique.
En droit français, l’article 1511 du Code de procédure civile permet un tel choix, tout comme les articles 35-36 des règles UNCITRAL de 2010, par exemple. L’article précité, applicable dans le cadres d’une procédure arbitrale, prévoit que le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit que les parties ont choisies ou, à défaut, conformément à celles qu’il estime appropriées.
Cependant, le choix de règles a-nationales est rare en pratique.
Les options
Les parties peuvent faire référence à plusieurs principes dans leur clause de loi applicable. Il est également possible de les combiner. Enumérons-les.
1. la lex mercatoria ou les usages du commerce international, issus de la pratique du commerce international, des décisions judiciaires ou arbitrales en la matière comme, par exemple, l’obligation des cocontractants de coopérer ou l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui. Il peut s’agir également des normes édictées par les organes de la profession que les professionnels de ces secteurs sont censés connaître, comme les contrats-type, comme les contrats élaborés par exemple, par la FIDIC, le Comité européen des RUCIP (règles et usages du commerce international des pommes de terre), par le Syndicat de Paris (les Incograin). Les Incoterms, qui sont aujourd’hui codifiés, reflètent également des usages commerciaux.
Il ressort de l’étude de la doctrine qu’il s’agit d’un concept controversé:
- considéré comme un système de droit à part entière par certains auteurs, d’autres la considèrent seulement comme un ensemble de règles substantielles relatives au commerce international, similaires aux usages du commerce et complémentaires ;
- certains auteurs la critique pour son imprécision, son contenu difficile à déterminer et potentiellement lacunaire puisqu’elle n’est pas basée sur une convention internationale et n’est pas codifiée.
En France, un caractère normatif est reconnu aux usages du commerce international et aux normes professionnelles, comme par exemple, des obligations de prudence et de diligence, des clauses compromissoires qui sont habituelles dans un secteur d’activité.
2. les principes UNIDROIT : un ensemble de règles internationales du droit des contrats. Ces principes se sont inspirés de la lex mercatoria. Il s’agit des principes clairs, spécifiques, cohérents mais il existe peu ou pas de jurisprudence concernant leur application en tant que loi du contrat.
3. les principes généraux du droit : ce sont des principes de droit, communs aux différents systèmes de droit international privé. Ses principes sont pour l’heure rarement utilisés étant souvent complémentaires des règles légales.
4. principes du droit international : dans les contrats entre les états et les acteurs privés, une combinaison de droit national et de droit international ou des principes généraux du droit est assez appropriée.
Les avantages du choix des règles a-nationales
Les règles d’une loi étatique dans le contrat ne convient pas aux transactions internationales puisqu’elles ont tendance à créer une situation déséquilibrée en donnant à une partie l’avantage d’appliquer ses propres règles.
En revanche, les règles a-nationales sont plus adaptées aux contrats du commerce international et aux attentes des parties. Un autre avantage est leur neutralité par rapport au droit national, ce qui permet d’éviter les règles défavorables du droit national ou les règles formulées en considération des circonstances internes au pays, donc inadaptées aux contrats internationaux et d’éviter donc les incertitudes liées au choix du droit applicable.
Cependant, il serait prudent de choisir les principes les plus précis possible, comme UNIDROIT par exemple.
Y a-il des inconvénients d’un tel choix ?
Ces règles ont un caractère incomplet, par exemple, il manque de détails techniques en droit des sociétés ou en droit commercial.
D’un point de vue technique, il existe des incertitude quant à leur le contenu. Au cours de l’exécution du contrat, les parties peuvent avoir des difficultés de savoir quel principe s’applique, sans parler de l’interprétation par les juges ou les arbitres de la lex mercatoria en cas de litige.
Les usages sectoriels
Seuls les professionnels du secteur concerné se voient appliquer de tels usages. Ainsi, sauf volonté contraire des parties, les usages s’appliquent en principe à leur contrat.
Il s’agit des pratiques habituelles des opérateurs du même secteur du commerce. Les clauses-type dans une branche du commerce ou les contrats-type font partie de la catégorie des usages. Les conditions générales de vente avec l’adhésion des membres de groupements professionnels le sont également.
Conclusion
Plusieurs solutions sont envisageables pour choisir les règles applicables dans les contrats internationaux:
1. les parties peuvent prévoir une loi étatique ;
2. le contrat peut être régi par les règles a-nationales ;
3. une clause combinée est également possible. En effet, le contrat peut être gouverné par les règles du commerce internationale, lex mercatoria et les principes UNIDROIT. Cette clause peut être hiérarchisée par les règles spécifiques d’une branche du commerce, par la lex mercatoria, par les principes UNIDROIT, avec l’exclusion de lois nationales.
4. les parties peuvent opter pour une clause de droit applicable laissant aux parties le choix d’opter dans leur contrat commercial pour l’alternative 1, c’est-à-dire un droit a-national ou l’alternative 2, un droit national.
Enfin, il est toujours possible de ne pas prévoir de droit applicable dans le contrat et de laisser le soin aux juges ou aux arbitres de choisir la loi qui leur semble la plus appropriée. L’avantage de cette solution serait que lors d’un litige, les juges ou les arbitres pourraient trouver une solution équilibrée. Mais il ne faut pas oublier que la rédaction du contenu d’un contrat suppose nécessairement l’implication commerciale d’une solution choisie, qui devra être prise en considération, afin de permettre aux partie de bien exécuter leurs obligations et éviter ainsi un conflit.