L’interprétation du contrat
Les contrats fixent les obligations et les droits des parties contractantes. Les contrats constituent des lois dont la violation peut être sanctionnée par le juge ou par l’arbitre. Pourtant, lors de leur conclusions, les parties contractantes envisagent rarement les difficultés qu’ils sont susceptibles de soulever en raisons des imperfections.
En effet, les maladresses, les ambiguïtés de rédaction, les omissions, les imprécisions ou une mauvaise articulation entre les stipulations contractuelles peuvent amener les juges ou les arbitres d’interpréter le contrat en cas de litige.
Aussi, les contrats peuvent-ils former un ensemble contractuel avec d’autres documents se référant à la même opération économique. Normalement, tous les documents contractuels doivent être articulés. Il serait aussi prudent de vérifier le contrat et les documents à chaque phase de son exécution.
Si le problème d’interprétation surgit, les imperfections contractuelles peuvent devenir une source de difficulté, et le recours au juge ou à l’arbitre peut s’avérer nécessaire.
Faut-il craindre l’arbitraire ?
Les juges ne peuvent en aucun cas interpréter ou modifier le contrat dépourvu de toute ambiguïté. Il lui est strictement interdit de dénaturer le contrat et violer ainsi la volonté des parties. Le juge ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.
Cependant, dès lors que le contenu du contrat ou d’une stipulation contractuelle est obscur, les juges ou les arbitres doivent déterminer le contenu ou combler des lacunes.
Avant de déterminer le régime juridique ou parfois la qualification juridique d’un contrat – car les juges ne sont pas liés par la dénomination donnée par les parties, il faut en élucider le sens. Pour le faire, les juges doivent suivre les directives d’interprétations, posées à l’art. 1188 et suiv. du Code civil. Ainsi, pour éviter l’arbitraire de l’interprète, le législateur a établi les directives d’interprétation.
Comment alors réparer le contrat défectueux ?
Le postulat de base est le suivant : en interprétant le contrat, le juge ou l’arbitre doit rechercher la volonté des parties sans s’arrêter au sens littéral des termes. L’échec de l’interprétation selon la volonté réelle des parties peut le conduire à rechercher la volonté présumée. Il n’y a que le risque de porter atteinte aux droits fondamentaux qui peut amener le juge à interpréter certaines clauses restrictivement. Selon la jurisprudence, tel est le cas de la clause de non-concurrence, clause résolutoire ou les clauses d’exclusivité.
Mais cette règle n‘est pas unique. L’interprétation du contrat est fondée sur la recherche de la volonté réelle ou présumée des parties en priorité, subsidiairement, sur d’autres directives d’interprétation.
Comme les volontés des parties contractantes seront souvent divergentes, il est souvent impossible de déterminer l’intention commune des parties, puisque chacune des parties interprétera le contrat dans le sens qui lui est plus favorable. Dans cette hypothèse, le contrat sera interprété selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. La volonté des parties doit être interprétée en la plaçant dans son contexte.
Y-a-il un ordre entre ces règles ?
Il s’agit plutôt des balises données aux juges puisque il n’y a aucune hiérarchie dans ces règles qui ne sont pas impératives. Les juges puiseront dans ces règles au cas par cas.
Une autre principale directive est l’interprétation selon d’effet utile, c’est-à-dire, en présence d’une clause susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun. L’interprète devra se détacher du sens littéral s’il conduit à un résultat dépourvu d’effet. Par exemple, une interprétation qui permettra de maintenir le contrat sera préféré à celle qui ne permettra pas de le valider.
Le contrat est un tout, et aucune clause ne peut être prise en compte isolement. Ainsi, toutes les clauses du contrats s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. C’est l’harmonie générale du contrat qui sera prise en compte au détriment des clauses discordantes. Les juges vont rechercher l’esprit général du contrat et son but.
S’il s’agit d’un ensemble contractuel indivisible concourant à une même opération, les contrats s’interprètent en fonction de celle-ci.
Dans les contrats de gré à gré, c’est-à-dire les contrats librement négociés par les parties, le juge ou l’arbitre doit, dans le doute, privilégier l’interprétation favorable au débiteur. Concernant le contrat d’adhésion, il est interprété contre celui qui l’a proposé.
La jurisprudence décide que des clauses contradictoires seront écartées en faveur des clauses qui expriment une volonté plus nette des parties. En cas de contrariété entre les conditions générales et les conditions spéciales, ce sont les premières qui seront écartées. De même, en cas de contradiction entre le contrat et ses annexes. Une clause spéciale sera toujours préférable à une clause générale. Une clause négociée entre les parties sera également préférable qu’une clause-type d’un contrat standard.
Et si le contrat était silencieux ?
Dans le silence du contrat, il sera difficile de trouver la réelle volonté des parties puisqu’au moment de la conclusion du contrat, celles-ci n’ont pas vu la difficulté et n’ont donc pas exprimé leur volonté ou bien ont souhaité la contourner.
Le juge aura alors à sa dispositions plusieurs procédés qu’il pourra utiliser, tels que la bonne foi, les usages d’affaires, les usages entre les parties, leur comportement avant et après la conclusion du contrat, la correspondance et les documents précontractuels. Ainsi, le juge ou l’arbitre pourra souvent combler les lacunes du contrat par référence aux usages.
Et s’il s’agit d’un contrat international ?
En principe, l’interprétation du contrat dépend de la loi applicable au contrat. Cette clause relative à la détermination de la loi applicable au contrat est très importante pour déterminer notamment les règles d’interprétations puisque tous les pays n’ont pas les mêmes règles d’interprétation.
Dans le silence du contrat quant à la loi applicable, il faudra compter avec les sources en droit international privé.
L’une des sources est le règlement (CE) du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelle (dite « Rome I »), qui s’applique même si la loi désignée par la règle de conflit de lois n’est pas celle d’un Etat membre. Ce règlement laisse cependant prévaloir les conventions internationales antérieurement signées par les Etats membres qui règlent les conflits de lois pour certaines contrats internationaux, excepté pour les conventions qui ont été conclue exclusivement entre deux ou plusieurs Etats membres.
En outre, il faut compter avec l’impact des règles d’interprétation de la Convention de Vienne sur la vente internationale d’objets mobiliers du 11 avril 1980, des principes UNIDROIT, des usages du commerce international, ces derniers pouvant s’appliquer même en l’absence de référence expresse des parties à ces usages.
Comment se prémunir de ces difficultés ?
Avant la conclusion d’un contrat, ne laissez jamais les questions en suspens. Si vous percevez la difficulté lors des négociations, ne pas les soulever en craignant de compromettre la conclusion du contrat, est une erreur. Il est extrêmement important d’expliquer clairement vos intentions et de s’assurer que vos exigences sont clairement reflétées dans le contrat.
Être précis lors de la rédaction du contrat peut permettre d’éviter une différend sur l’interprétation du contrat et économiser ainsi le temps et les coûts inutiles.
Enfin, dans le cadre des négociations internationales, ne pas sous-estimer l’importance de la clause sur la loi applicable au contrat et de la clause d’arbitrage.