Les usages sont définis comme des pratiques contractuelles habituellement suivies dans une branche donnée du commerce. Ces règles se construisent entre professionnels du même secteur qui procèdent aux mêmes opérations de façon habituelle. D’abord limité à un certain nombre de commerçants qui se conforment toujours à la même manière d’agir dans les mêmes circonstances, cette pratique se généralise progressivement.

Les usages propres à une filière ne vont s’appliquer que dans les relations contractuelles liant les professionnels de ce domaine.

En réalité, les usages tirent généralement leur origine de clauses qui sont régulièrement insérées dans des contrats et qui sont suffisamment évidentes pour être considérées comme acquises. Les usages en vigueur dans chaque profession sont souvent codifiés dans les contrats-type. En effet, les entreprises relevant de l’industrie agroalimentaire sont pragmatiques et ont besoin d’une sécurité et d’une prévisibilité malgré l’évolution constante des pratiques. Pour avoir un environnement juridique stable, elles ont introduit l’uniformité dans le commerce agro-alimentaire puisque le risque contractuel existe si les opérations traitées ne sont pas en adéquation avec la documentation contractuelle, notamment du fait de ses lacunes ou imprécisions. Ainsi, ces professionnels ont codifié les usages en proposant aux professionnels de chaque filière des contrats-type.

Chaque filière agro-industrielle dispose de contrats-type qui lui sont propres. A titre d’exemple, citons les contrats-type INCOGRAIN, les RUFRA (règles et usages français pour le commerce des grains, graines oléagineuses et protéagineuses, légumineuses, produits du sol et dérivés) qui sont destinés à la filière du commerce des grains. Les RUFRA sont également adaptées à la vente de lait en poudre. Le code COFREUROP et le COFREL sont proposés dans le commerce des fruits et légumes frais. Les usages dans le commerce des pommes de terre sont codifiés dans le code RUCIP. Les règles et usages pour le commerce des semences de toutes les catégories sont recueillis dans le code édité par l’ISF (International Seed Federation).

Il va de soi que les contrats-type s’appliquent tant aux membres de ces organisations professionnels qu’aux membres non syndiquées puisqu’elles sont établies en considération non de l’appartenance à une quelconque organisation professionnelle mais de la nature de la profession.

Au-delà d’un simple code d’usage, le contrat-type devient un véritable outil de prévention et de réparation des risques auquel les entreprises recourent pour sécuriser les transactions. Ces contrats prévoient à l’avance les étapes de l’exécution du contrat et les obligations des opérateurs pour assurer une prévention des risques de toutes les composantes des opérations commerciales. Par exemple les clauses-type des contrats-type fixent les règles de formation des contrats, les règles relatives au transfert de propriété et des risques, les règles relatives à la délivrance de la marchandise, les règles relatives à la responsabilité, les règles qui fixent les standards de qualité etc.

Ces règles varient selon les incoterms, les marchandises, et les modes de transport, p.ex., « INCOGRAIN n°12- CAF» est adapté au commerce maritime. Le code COFREUROP est destiné principalement au transport routier, bien que certaines dispositions pourront s’appliquer aux autres modes de transport. Les règles RUFRA, qui contiennent notamment des informations relatives aux modalités de livraison et à la gestion des différends des produits visés, sont plutôt adaptées pour le marché interne. D’ailleurs, elles ne s’appliquent que pour les contrats qui font expressément référence au code “RUFRA“.

Les usages sont généralement élaborés par des filières organisées de l’industrie agro-alimentaire. Ces communautés de professionnels du même secteur sont très structurées et unies, ce qui favorise le développement des usages. Ce sont des organismes professionnels qui recueillent et rédigent les usages via des commissions qui réunissent les représentants des vendeurs, acheteurs, transporteurs, etc., qui analysent les pratiques courantes, en évolution constantes, pour incorporer des pratiques nouvelles dans les contrats-type. Il arrive que ces commissions apportent des réponses aux problèmes nouveaux qui deviennent elles-mêmes des usages du fait de leur adoption généralisée dans la pratique.

On trouve des usages dans certaines clauses habituelles insérées dans un contrat de manière constante et généralisée, comme par exemple une clause d’arbitrage. Dans le secteur agro-industriel, il est d’usage de recourir à l’arbitrage. La raison est simple : les arbitres vont se référer aux usages.

En outre, l’arbitrage permet de réunir dans un tribunal arbitral des professionnels du secteur qui connaissent la profession, ses usages et sont en mesure de détecter « s’il y a anguille sous roche ». Ces professionnels connaissent les problèmes économiques, juridiques ou techniques qui leur seront soumis. Il offre également aux parties la possibilité de renoncer aux règles de droit, en conférant aux arbitres la mission de statuer en amiable composition, c’est-à-dire en prenant en considération l’équité et en appliquant la solution la plus adéquate. L’arbitrage est confidentiel.

L’arbitrage, à son tour, accorde une grande importance aux usages qui régissent plusieurs aspects d’une opération commerciale. Et pour cause, puisque les entreprises relevant du secteur agro-industriel s’attendent à ce qu’ils soient jugés en application des usages en vigueur dans leur secteur. Elles permettent à la jurisprudence arbitrale propre à ces filières de se développer, puisque les arbitres doivent adapter les cas individuels à des standards fixés dans ces contrats-type qui réglementent au mieux des intérêts communs des membres d’une filière.

Les usages n’ont pas à être démontrés par les arbitres qui sont généralement des professionnels de longue date de ce secteur. Il a été jugé qu’il suffit qu’ils les constatent pour les appliquer (Paris, 24 octobre 1980, Rev.arb. 1982.54, note P.Fouchard). Les juges se réfèrent également sur la qualité de professionnel des parties qui permet de présumer qu’elles connaissaient l’existence des usages en cause.

Selon le droit français de l’arbitrage international,  les arbitres doivent, dans tous les cas, tenir compte des usages du commerce (art. 1511 CPC).

Par ailleurs, les arbitres, en cas de lacunes des contrats-type, peuvent se référer également à l’ensemble des règles du commerce international, dégagés par la jurisprudence arbitrale. Ainsi, les arbitres ont élaboré des principes en faisant savoir ce qu’il est attendu des parties au contrat international en leur qualité de professionnel avisé, telle que l’obligation de prudence ou de diligence ou du principe de précaution ou encore d’une obligation de minimiser le dommage. La jurisprudence arbitrale fournit des exemples d’application de ces notions, ce qui est très utile pour les parties puisque cela leur permet de s’organiser, pour prévenir des risques et les gérer efficacement. Par exemple, le risque spéculatif qui tient à des variations des cours des matières premières agricoles ne constitue jamais un cas de force-majeur.

Il faut noter que ces usages et la « jurisprudence « arbitrale forment un véritable droit qui suit ses voies propres et qui a des règles et des sanctions propres.