La clause de réserve de propriété intervient dans la majorité des cas en matière de vente de marchandises, bien que tous les contrats à effet translatif puissent être concernés.
Qu’est-ce qu’une clause de réserve de propriété ?
Par une clause de réserve de propriété, le vendeur stipule que la propriété de la marchandise ne sera transférée qu’au moment du complet paiement du prix.
Il peut exister trois options du moment de transfert de propriété : lors de la conclusion du contrat, lors de la livraison de la marchandise ou lors du transfert de la propriété.
En droit français, le transfert de propriété est immédiat. C’est la vente, c’est-à-dire, l’accord sur la chose et le prix qui conduit au transfert de propriété même si le prix n’est pas encore payé.
En effet, selon l’article 1583 du code civil, en cas de vente, « … la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Cependant, la propriété d’un bien peut être retenue par l’une des parties au contrat en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété. En pratique, les parties insèrent dans leur contrats de vente la clause de réserve de propriété qui réserve au vendeur la propriété du bien jusqu’au complet paiement du prix. Dans cette hypothèse, le vendeur demeure propriétaire, la propriété d’un bien étant retenue en garantie d’un complet paiement. Si aucun paiement n’intervient dans un délai convenu, le vendeur n’a plus besoin d’agir en résolution de la vente pour obtenir la restitution du bien.
La clause de réserve de propriété déroge ainsi à la règle légale, ce qui permet aux parties de retarder le moment auquel a lieu ce transfert en insérant une clause de réserve de propriété.
L’article 2367 du code civil définit cette clause comme une clause qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. Ainsi, elle produit un effet suspensif.
L’article 2367 al.2 du code civil ajoute que « la propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ».
Deux conséquences en découlent:
- la garantie concerne uniquement le paiement du prix de vente en excluant la garantie de tout paiement des autres dettes dues par l’acheteur au vendeur ;
- la réserve de propriété se transmet avec la créance du vendeur, par exemple dans le cas de la subrogation lorsqu’un tiers va s’acquitter de la dette de l’acheteur. Une fois la créance transmise, le vendeur ne peut plus agir en revendication.
Dans les ventes qui portent sur des choses de genre, le transfert de propriété est lié à leur individualisation. En ce sens, l’article 1585 du code civil énonce que « les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu’à ce qu’elles soient pesées, comptées ou mesurées ». Par exemple, lors de l’achat de 100 tonnes de blé, l’acheteur deviendra propriétaire lorsque la marchandise destinée à l’acheteur sera séparée par tout moyen du reste du stock du vendeur.
Quel est le formalisme à respecter pour la rédaction de cette clause ?
En droit français, cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison.
Elle peut l’être dans les conditions générales de l’une des parties. Il est important de savoir que pour être opposable à sa contrepartie, celle-ci doit avoir eu connaissance du fait que ces conduisions générales faisaient partie du contrat.
Qui supportera les risques en présence d’une clause de réserve de propriété ?
La livraison de la marchandise encourt plusieurs risques : notamment, perte, manquements ou avaries.
L’article 1196, al. 3e du code civil prévoit que « Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose.»
En application de cette règle qui veut que les risques suivent la propriété, les risques doivent en principe incomber à l’acheteur immédiatement et de plein droit lors de la conclusion de la vente.
Or, en présence d’une clause de réserve, le vendeur reste propriétaire de la marchandise vendue, objet du contrat de vente, jusqu’à son complet paiement et conserve donc les risques de la chose.
Mais attention car si la clause de réserve ne transfère pas à l’acheteur la propriété de la marchandise, elle lui transfère sa possession puisque ce n’est pas la possession qui est décalée dans le temps mais uniquement la propriété. Qui plus est, l’acheteur a même la faculté d’en disposer et la revendre, par exemple, à ses propres clients. Il peut aussi la transformer.
La règle de répartition des risques n’est pas d’ordre public, et il est possible d’y déroger. Le contrat de vente peut prévoir que les risques seront transférés à l’acheteur qui détient le bien. Par ailleurs, les parties peuvent prévoir d’avancer le transfert.
Quel est l’avantage de prévoir une clause de réserve de propriété ?
L’intérêt de cette clause est le transfert immédiat de la propriété à l’acheteur.
Le principal intérêt de cette clause est son opposabilité aux créanciers dans le cas d’ouverture d’une procédure collective de l’acheteur, pouvant faire échapper le vendeur aux autres créanciers.
Cette clause s’apparente à une sûreté. Elle garantit au créancier un droit exclusif sur la marchandise vendue.
Même en dehors de toute procédure collective, elle conserve son importance puisque le vendeur n’entre pas en concours avec les autres créanciers de l’acheteur.
Comment mettre en œuvre la clause de réserve dans le cas de l’absence de paiement de la marchandise ?
Lorsque l’acheteur n’exécute pas son obligation de payer le prix intégral de la marchandise à l’échéance, selon l’article 2371 du code civil, le vendeur a le droit d’agir en restitution. Le vendeur qui récupère la marchandise doit cependant restituer la partie du prix s’il l’a perçue.
La valeur du bien repris est imputée sur le solde de la créance garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence.
Mais lorsqu’une procédure collective est ouverte contre l’acheteur, le vendeur peut exercer une action en revendication, strictement encadrée par l’article L. 624-16 du code de commerce.
Et si l’acheteur a revendu la marchandise avant de payer le prix?
Lorsque le bien faisant l’objet d’une réserve de propriété, a été incorporé à un autre bien, cette incorporation ne fait pas obstacle aux droit du créancier si ce bien peut en être séparé sans subir de dommage (art. 2370 du code civil) ou endommager le bien dans lequel il est incorporé (Cass.com., 28 oct.2009, n°07-16.899).
En cas de revente de la marchandise, l’article 2372 du code civil autorise le vendeur initial, bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété, peut la revendiquer auprès du sous-acquéreur.
Il a été jugé récemment que lorsque le juge est saisi d’une demande de revendication en nature fondée sur les dispositions de droit commun de l’article 2276 du code civil en raison de la revente, par une société soumise à une procédure collective, de marchandises vendues sous réserve de propriété, le juge doit rechercher, non pas si les marchandises se retrouvaient en nature dans le patrimoine du sous-acquéreur, mais si celui-ci est entré en leur possession de mauvaise foi (Cass.com., 17 nov.2021, n°20-14.420).
S’agissant des biens fongibles, selon l’article 2369 du code civil, la créance va se reporter sur des biens de même nature et de même qualité.
Quelles règles en matière de vente internationale des marchandises?
Dans les ventes internationales, il faut se reporter à la Convention de Vienne du 11 avril 1980 (ci-après « la CVIM »).
La CVIM ne se prononce pas sur la validité ou le régime de la clause de réserve de propriété. Dans ce cas, c’est la loi nationale qui va s’appliquer.
En l’absence de la désignation expresse d’une loi applicable au contrat, les règles de conflit de lois vont désigner la loi du pays qui va régir la vente. Généralement, il s’agira de la loi du vendeur mais pas nécessairement. Ainsi, il est vivement recommandé de prévoir la loi applicable dans le contrat.
NOTA BENE : une réforme du droit des contrats spéciaux est en cours qui pourrait modifier le régime de la clause de réserve de propriété.
Voici le texte de l’avant-projet relatif aux clauses de réserve de propriété :
Art. 1609 : La propriété du bien vendu est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès la conclusion du contrat, quoique le bien n’ait pas encore été délivré ni le prix payé.
Les parties peuvent convenir de retarder le transfert de la propriété jusqu’à la délivrance du bien ou jusqu’au paiement du prix.
Si l’acheteur est mis en possession du bien avant le transfert de propriété, il a l’obligation de le conserver.
Art. 1610 : Quand la vente porte sur un bien fongible, le transfert de propriété a lieu lors de l’individualisation du bien.
Les marchandises vendues au poids, au compte ou à la mesure sont individualisées par la pesée, le compte ou la mesure.
Art. 1611 : Si la vente porte sur un bien futur, le transfert de propriété a lieu dès que le bien vient à exister.
Art. 1612 : Les droits, actions et charges afférents au bien vendu sont transmis de droit à ses acquéreurs successifs.
Chaque vendeur conserve les actions en réparation de son préjudice personnel.
Art. 1613 : Tout vendeur peut opposer à l’action formée contre lui par un acquéreur ultérieur, les exceptions de nature à exclure ou à limiter la garantie ou la réparation qu’il doit lui-même à son propre acquéreur.
Art. 1614 : Les fruits tirés du bien profitent à celui qui, à la date de leur production, s’en trouve propriétaire.
Corrélativement, la perte fortuite du bien est à ses risques, à moins que le vendeur n’ait été en demeure de le délivrer et sous réserve des dispositions de l’article 1351-1 du présent code.
Le tout, sauf convention contraire.
Art. 1615 : Il peut être stipulé, au profit du vendeur, une faculté de rachat ; elle lui ouvre le droit de reprendre le bien vendu moyennant restitution du prix, des frais de la vente, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du bien, jusqu’à concurrence de cette augmentation.
À peine de nullité absolue, la faculté de rachat doit être convenue par écrit, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
Le vendeur qui rachète ne peut entrer en possession qu’après avoir satisfait à toutes ses obligations envers l’acquéreur.
Art. 1616 : Le rachat anéantit les droits acquis par les tiers, ainsi que les charges et servitudes consenties pas l’acquéreur, à l’exception de ceux qui l’ont été avec l’accord du vendeur.
Lorsqu’elle porte sur un immeuble, la faculté de rachat ne peut s’exercer au préjudice d’un tiers que si elle a été publiée au fichier immobilier.