Les contrats constituent un ensemble d’obligations qui doivent être exécutées par las parties en vertu du principe de la force obligatoire du contrat. Les parties s’accordent pour s’imposer des obligations réciproques qui doivent être exécutées dans toutes les circonstances. Bien entendu, la partie qui n’exécute pas ses obligations commet une faute qu’elle est tenue de réparer.

Cependant, il existe des cas dans lesquels la partie qui n’exécute pas ses obligations contractuelles peut s’en dégager temporairement ou définitivement. Dans ces cas, il n’y a pas lieu à dédommagement.

Quels sont ces cas ?

  1. La force majeure

L’article 1218 du code civil définit la force majeur comme un événement «échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriés ». Il faut que la partie au contrat soit empêchée d’exécuter son obligation. En effet, « à l’impossible, nul n’est tenu ».

Les quatre conditions suivantes doivent être réunies afin de libérer le débiteur de son obligation d’exécuter le contrat :

1. l’événement doit présenter un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat, par exemple, guerre, tremblement de terre, glissement du terrain, ouragan ;

2. il doit être irrésistible dans son exécution, c’est-à-dire un événement inévitable et insurmontable ;

3. le cas de force majeur doit échapper au contrôle du débiteur ;

4. il doit rendre absolument impossible l’exécution par le débiteur de son obligation. l’empêchement à l’exécution des obligations par le débiteur doit être absolu. Il est à noter que si l’exécution de l’obligation est devenue plus difficile ou onéreuse pour le débiteur, mais matériellement possible, le débiteur doit exécuter le contrat.

    – quelques illustrations de cas de force majeur

A titre d’illustration, il a été jugé que pouvait être constitutive d’une force majeure présentant un caractère imprévisible la maladie ayant entraîné le décès du débiteur résultant de l’infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat, la dégradation brutale de son état de santé constituant la preuve d’une maladie irrésistible (Cass.ass. plén., 14 avril 2006).

En droit du transport routier, la Cour de cassation a rendu un arrêt récent qui confirme la décision d’une Cour d’appel. La Cour a considéré que le blocage d’un camion et le déchargement de son contenu pour le distribuer à tout venant provoqué par un mouvement social d’agriculteurs sur le chemin de parcours du transporteur est un événement imprévisible et irrésistible exonérant le transporteur de toute responsabilité dans la survenance du dommage.

Dans cet arrêt, il est précisé que si le mouvement social des agriculteurs était connu d’avance, aucune consigne précise n’a été donnée aux manifestants. Les informations routières ou les informations sur les réseaux sociaux n’étaient pas disponibles, ce qui n’a pas permis au chauffeur d’éviter un tel blocage. Dans ces conditions, le transporteur ne pouvait pas prévoir un itinéraire pour éviter le blocage de ses camions. Il n’était non plus possible de prévoir que des manifestants allaient contraindre le chauffeur à descendre du véhicule pour dérober la marchandise (Cass. com., 5 juillet 2023).

    – la réticence des juges et des arbitres à retenir la force majeure

La force majeure est régulièrement invoquée lors des procédures. Mais l’allégation de la force-majeure est reçue avec une certaine réticence par les juges ou les arbitres.

Par exemple, en matière de vente de matières premières agricoles, le risque spéculatif qui tient à des variations de leurs cours ne constituent jamais un cas de force majeur.

De même que les difficultés économiques du débiteur.

En matière de transport, l’impossibilité d’affréter un navire ne constitue pas un cas de force-majeur puisqu’elle pouvait être prévue au moment de la conclusion du contrat par les parties qui sont des professionnels avisés.

De même, le manque de wagon pour livrer le pétrole ne constitue pas un événement imprévisible, insurmontable et échappant au contrôle ou à l’influence du débiteur (sentence CCI n°11265).

En matière de bail, il a été jugé que pendant les périodes de fermeture administrative liées au covid-19 , le preneur ne pouvait se prévaloir de la force majeure pour ne pas payer ses loyers pendant ces périodes (Cass. civ. 3ème 30 juin 2022).

Les juges ont retenu une faute inexcusable du transporteur maritime en jugeant qu’un cyclone dans l’arc antillais pendant la période cyclonique est un phénomène prévisible, habituel, que l’intensité du cyclone était habituelle et que la route du cyclone n’était pas inhabituelle, que le cyclone  avait été dûment prévu par météo France qui avait émis une alerte rouge pour une houle destructrice (CA Basse Terre, 23 mai 2016).

Pour apprécier les cas de force-majeur, les juges et les arbitres se réfèrent souvent à la notion de « professionnel avisé ». Par exemple, il a été jugé que le risque de contamination par un virus informatique n’est ni imprévisible ni irrésistible pour la société éditant une revue informatique (Cass.com., 25 nov.1997).

La Cour de cassation a jugé à propos de l’agression à main armée dont avait été victime le transporteur, événement prévisible, que «l’irrésistibilité de l’événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l’événement » (Cass.com., 1er octobre 1997).

  1. Le cas fortuit

Il n’existe aucune définition juridique du cas fortuit, et la jurisprudence ne distingue pas les cas fortuits de la force majeure.

En principe, il s’agit d’un événement interne au débiteur se rattachant à son activité, un événement relevant d’une « mauvaise fortune » mais laissant l’événement surmontable, par exemple, avarie de matériel, faute non prévisible d’un préposé.

Par exemple, il a été jugé que dans le bail à cheptel, la perte du cheptel par cas fortuit est pour le preneur s’il n’y a pas convention contraire. La tuberculose des bovidés, prévisible et fréquente, ne constitue pas un cas fortuit extraordinaire qui, aux termes de l’article 1773 du code civil, reste a la charge du bailleur (Cass.civ.3ème, 28 avr. 1971).

  1. Les conséquences de la force majeure ou des cas fortuit

La force majeure ou le cas fortuit libère le débiteur. Dans les deux cas, le débiteur ne doit pas de dommages et intérêts pour inexécution du contrat.

L’article 1218, al.2 distingue l’empêchement temporaire et l’empêchement définitif.

Dans certains cas, l’empêchement rendra impossible toute exécution mais dans d’autres, il retardera simplement l’exécution et la conséquence ne sera qu’un allongement de la durée pour l’exécution du contrat.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue pendant la durée de l’empêchement. Cependant, le retard qui en résulte peut justifier la résolution du contrat.

Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations contractuelles.

Cependant, si le débiteur a accepté de garantir l’exécution de l’obligation même en cas de force majeure, si la loi lui impose cette exécution ou s’il a été mis en demeure d’exécuter avant la survenance de l’événement rendant l’exécution impossible, il devra verser une somme d’argent représentant la valeur de la prestation non exécutée. Mais si l’impossibilité d’exécuter résulte de la perte de la chose due, le débiteur mis en demeure est libéré s’il prouve que la perte se serait partiellement produite si l’obligation avait été exécutée. Mais il est tenu de céder à son créancier les droits et actions attachés à la chose.

  1. L’aménagement contractuel

Les parties peuvent anticiper les risques en incluant une clause de force-majeure dans leur contrat. Dans cette clause, il est possible de préciser les situations dans lesquelles la force-majeure sera caractérisée.

Les parties peuvent convenir des effets que l’événement aura sur l’exécution du contrat et prévoir certaines situations, par exemple : épidémie, pandémie, événement naturel extrême tel qu’un tremblement de terre, un glissement de terrain, une inondation, des conditions météorologiques extraordinaires etc.

Par exemple, normalement, un transporteur de marchandise est tenu d’indemniser le donneur d’ordre pour les dommages de transport en raison du retard. Une clause de force-majeure peut l’exonérer de cette obligation si le retard a un lien direct entre le dommage et la survenance d’un événement précisé dans la clause.

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