Il arrive parfois qu’un contrat conclu entre les parties ne soit plus adapté et requiert des modifications. Par exemple, les parties ont besoin d’ajouter des prestations supplémentaires qui n’ont pas été prévues dans le contrat initial. Les parties vont, en effet, renégocier les termes pour s’entendre sur les aménagements du contrat initial.

Il s’agit d’une modification du contrat qui doit être distinguée de l’adaptation du contrat en cas de changement de circonstances.

L’adaptation du contrat en cas de changement de circonstances, appelé « l’imprévision », est consacrée à l’article 1195 du Code civil.

L’un des principes essentiel en droit français est la force obligatoire des contrats. Les parties qui ont conclu un contrat doivent exécuter leurs obligations. Il existe deux exceptions : les parties peuvent modifier le contrat d’un commun accord ou le renégocier en cas de changement de circonstances.

En cas de changement de circonstances entre le moment de la conclusion du contrat et le moment de son exécution, les parties ont la faculté de renégocier les termes de leur contrat à condition que ce changement était imprévisible lors de la conclusion du contrat et rend l’exécution excessivement onéreuse.

Il devient donc possible de renégocier le contrat si les circonstances qui ont guidé les parties lors de la conclusion d’un accord ont été changées indépendamment de la volonté de parties de manière significative de telle sorte que pour l’une des parties l’exécution de ses obligations devienne peu rentable par rapport au résultat qu’elle escomptait à la conclusion du contrat.

Quelles sont les conditions pour mettre en œuvre la renégociation ?

Une partie qui s’est trouvée dans l’impossibilité d’exécuter son obligation contractuelle parce que son exécution est devenue « excessivement onéreuse » peut demander à sa contrepartie de prendre cette circonstance en compte.

En effet, l’article 1195 al.1 dispose que : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

Concrètement, trois conditions cumulatives sont nécessaires pour entamer cette renégociation :

  1. le changement de circonstances doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion du contrat.

Le changement des circonstances que les parties n’ont raisonnablement pas pu prévoir lors de la conclusion du contrat doit intervenir postérieurement à l’échange de consentements.

  1. ce changement des circonstances doit rendre l’exécution « excessivement onéreuse ».

Attention, il ne s’agit pas d’une exécution impossible, auquel cas il y aurait force majeure mais d’une exécution devenue « excessivement onéreuse ». L’écart entre la valeur de l’obligation contractuelle convenue par les parties et la valeur apparue lors de l’exécution doit être significatif. Par exemple, l’expéditeur de la marchandise, qui doit affréter un navire pour transporter cette marchandise, se trouve confrontée, postérieurement à la conclusion du contrat, pour des raisons économiques ou politiques, à une quasi absence de trafic et à une augmentation spectaculaire du prix du fret. Aussi, l’exécution de la prestation qu’il fournit peut-elle devenir tellement onéreuse qu’elle perd tout intérêt pour elle.

Il faut noter qu’un contrat dont l’exécution est devenue inutile tout en restant possible et sans être plus onéreuse, conserve sa force obligatoire.

  1. aucune clause contractuelle qui prévoirait l’acceptation d’un aléa économique ne doit être conclue par les parties.

En l’absence de toute clause contractuelle qui exclut la possibilité de renégociation en cas de changement de circonstances, l’article 1195 du Code civil va s’appliquer.

Cependant, le contrat peut prévoir une clause qui stipule que les parties sont tenues d’exécuter les contrats même en cas de changement de circonstances.

Quelles types de circonstances peuvent justifier une demande de renégocier le contrat ?

Ce changement peut concerner tout type de circonstances : économiques, politiques, juridiques, environnementales, sanitaires etc.

Ainsi, plusieurs entreprises qui se sont trouvées lors de l’épidémie de 2019 dans l’impossibilité de répondre à leurs engagements qui sont devenus très lourds, ont été contraintes de solliciter la révision de leurs contrats.

Bien évidemment, cette renégociation concerne les contrats de longue durée puisque ce changement de circonstances doit être imprévisible lors de la conclusion du contrat que les parties ne pouvaient contrôler à ce moment. Cette situation se produit le plus souvent s’agissant de l’exécution d’un contrat à durée indéterminée, le plus souvent à exécution successive, comme par exemple, le contrat de concession, le contrat d’achat de gaz etc.

Quelles sont les étapes de la renégociation du contrat ?

La renégociation se déroule selon un schéma qui comporte les trois étapes suivantes :

1ère étape : la partie pour laquelle l’exécution est devenue excessivement onéreuse, doit adresser une demande à son co-contractant en démontrant que l’exécution du contrat est devenue « excessivement onéreuse » – et non pas difficile – du fait de ces circonstances ;

2ème étape : les parties négocient afin de tenter d’aboutir à un nouvel accord ; il est rappelé que conformément à l’article 1104 du Code civil, les contrats doivent être notamment négociés de bonne foi.

3ème étape : les parties peuvent convenir de la résolution du contrat ou saisir juge.

En vertu de l’article 1195 al.2 du code civil : « En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

Ainsi, la renégociation se déroule selon les deux scénarios suivants :

1er scénario : la conclusion d’un nouvel accord, auquel cas les parties concluent un avenant au contrat modifiant le contrat initial, toutes les stipulations non révisées demeurant maintenues ;

2ème scénario : l’échec des négociations, auquel cas les parties ont trois options :

  • elles conviennent de la résolution du contrat ou
  • elles demandent d’un commun accord au juge de procéder à l’adaptation du contrat ;
  • aucun accord n’est intervenu «dans un délai raisonnable», auquel cas une partie pourra saisir unilatéralement le juge qui pourra réviser le contrat ou y mettre fin.

Quelles effets ?

Attention, durant la négociation, les parties continuent à exécuter leurs obligations, à moins qu’une  clause d’imprévision prévoie que le contrat soit suspendu pendant la négociation en cas de changement de circonstances.

Qui peut demander la renégociation ?

En vertu de l’article 1195 du code civil, c’est la partie qui n’a pas pris un risque, en connaissance de cause, d’exécuter une obligation devenue onéreuse qui peut demander la renégociation, ce qui est apprécié au regard du contenu des clauses contractuelles.

S’agit-il d’une obligation de renégocier ?

L’article 1195 du code civil n’oblige pas les parties à venir à la table de négociation. Les parties « peuvent » le faire. Les dispositions de l’article 1195 du code civil ne sont pas impératives.

Il est toujours possible d’écarter contractuellement l’application de cet article. A cet effet, les parties peuvent insérer une clause de non révision dans leur contrat.

Cependant, parfois, le législateur impose une renégociation dans certains contrats. Par exemple, l’article L.441-8 du Code de commerce, modifié par la loi du 30 mars 2023 dite « EGALIM 3 » prévoit une obligation, sous certaines conditions, de renégocier de bonne foi le prix. Cette renégociation, qui concerne des contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires, permet de prendre en compte des fluctuations des prix des matières premières agricoles à la hausse ou à la baisse, lorsque les prix de production sont « significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages ».

Faut-il exclure ou aménager la renégociation?

Il est toujours préférable d’adapter le régime légale aux besoins des parties. Dans les contrats à durée déterminée, il serait souvent plus opportun de prévoir une clause de non révision. Dans les contrats de longue durée, il serait plus judicieux d’aménager contractuellement le régime légale de l’imprévision.

Les parties peuvent insérer une clause de hardship ou une clause d’imprévision dans leur contrat permettant de fixer conventionnellement des conditions de révision. En cas de changement de circonstances, la clause oblige les parties à renégocier le contrat pouvant aboutir à sa modification. Ces clauses conservent leur intérêt puisque les parties peuvent aménager le régime légale, la définition,  les effets prévus par la loi, par exemple définir la situation de hardship, la durée des négociations, le sort du contrat pendant la renégociation, le sort du contrat en cas d’échec de la renégociation, le sort du contrat en cas d’aboutissement de la renégociation.

La clause de hardship se distingue d’une clause de sauvegarde qui permet à la partie subissant le déséquilibre suite au changement du contexte de résilier le contrat.

Il est également possible de prévoir une clause de révision de prix ou une clause d’indexation qui prévoient une périodicité dans la révision de prix par application d’un indice  qui a un lieu avec l’activité de l’un des contractants ou avec la nature du contrat. Par exemple, dans le contrat de fortage, les parties prévoient qu’une redevance versée par une société exploitante est régulièrement révisée en tenant compte de l’indice INSEE choisi par les parties selon les formules d’indexation convenues.

Il est important, avant la rédaction de ces clauses, de porter une attention particulière à la détermination de la meilleure approche juridique adaptée à chaque situation.

Si vous souhaitez anticiper les risques ou si vous être confrontés à l’une de ces situations, nous restons à votre dispositions.