Dans tout contrat, les parties peuvent inclure une clause limitative de responsabilité, qui permet de limiter les responsabilités en cas de non-respect de certaines obligations. Cependant, ces clauses ont des limites, notamment en cas de faute.
Il existe plusieurs types de fautes qui peuvent empêcher l’application de ces clauses :
- faute dolosive : commise avec l’intention de nuire;
- faute lourde : une faute particulièrement grave commise sans intention de nuire;
- faute inexcusable : propre au droit des transports, cette faute permet d’écarter la clause limitative de responsabilité qui ne résulte pas d’une inaptitude contractuelle ni d’un ensemble de négligences graves (Com. 2 févr. 2022, n° 19-25.075).
Ces clauses peuvent être de deux types :
- clause de non-responsabilité : aucune réparation n’est due en cas de l’inexécution ou une mauvaise exécution du contrat ;
- clause limitative de responsabilité : limite le montant des dommages-intérêts.
Il est essentiel de noter que la limitation de responsabilité ne peut pas être retenue pour permettre à l’un des cocontractants de se soustraire à ses obligations essentielle ou pour instaurer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Si la clause limitative de responsabilité ne respecte pas ces conditions, elle est réputée non écrite, et ne produit aucun effet bien que cela n’empêche pas l’exécution du reste du contrat.
Un autre point important : les tiers (entreprises non parties au contrat) peuvent être affectés par ces clauses, comme cela a été clarifié par plusieurs décisions de justice. En cas de dommage causé à un tiers à cause d’un manquement au contrat, celui-ci peut être limité par les clauses de responsabilité convenues entre les signataires du contrat.
Voici l’évolution des décisions de justice pour trancher cette question :
- 1. arrêt Besse (Cass. ass.plén., 12 juillet 1991, n°90-13.602) : Dans cette affaire, un maître d’ouvrage confie la construction de son pavillon à un entrepreneur qui fait appel aux sous-traitants. Après l’achèvement de la construction, les travaux de plomberie se révèlent défectueux. Le maître d’ouvrage assigne en réparation du dommage l’entrepreneur et l’un des sous-traitants.
La Cour d’appel qui a décidé que le maître d’ouvrage ne disposait contre le sous-traitant que d’une action de nature contractuelle. La Cour de cassation casse l’arrêt en décidant que: « le maître de l’ouvrage ne dispose contre le sous-traitant, avec lequel il n’a aucun lien contractuel, que d’une action de nature quasi délictuelle ». En clair, la Cour de cassation a décidé que C doit intenter une action sur la base de la responsabilité délictuelle (non contractuelle) car il n’y a pas de contrat entre C et B.
- décisions intermédiaires : certaines décisions exigeaient que C prouve une “faute détachable“, c’est-à-dire une faute indépendante du contrat tandis que d’autres décisions acceptaient qu’une simple faute contractuelle suffisait, sans preuve supplémentaire de la part de C ;
- arrêt Boot shop (Cass. ass. plén., 6 octobre 2006, n°05-13.255) : la Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, c’est-à-dire, a permis à C d’invoquer une faute contractuelle de B sur la base de la responsabilité délictuelle, dès lors que cela lui a causé un dommage. Il n’était plus nécessaire de prouver une faute détachable.
- arrêt Bois rose (Cass.ass.plén., 13 janvier 2020, n°17-19.963) a jugé que s’il établit un lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage qu’il subit, il n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement ;
- nouvelle décision du 3 juillet 2024 n°21-14.947: la Cour de cassation a clarifié cette situation. En l’espèce, une entreprise A a conclu un contrat avec une autre société B qui comprend des clauses qui limitent la responsabilité de la société B en cas de problème. Un tiers (c’est-à-dire quelqu’un qui n’est pas partie du contrat, appelons-le Entreprise C) subit un dommage et pense que c’est à cause d’une faute d’Entreprise B dans l’exécution du contrat avec Entreprise A. Entreprise C veut donc demander réparation à Entreprise B, mais elle le fait sur une base délictuel (c’est-à-dire en dehors du contrat).
La Cour de cassation a décidé que lorsque le tiers invoque un manquement contractuel lui causant un dommage sur le fondement délictuel, celui-ci peut se voir opposer les clauses limitatives de responsabilité prévues entre les parties. En résumé, si un tiers (société C) subit un dommage à cause d’une faute liée à un contrat entre deux autres parties (sociétés A et B), les limites de responsabilité prévues dans ce contrat peuvent être opposées à C. Autrement dit, même si C intente une action sur la base de la responsabilité délictuelle, elle sera soumise aux mêmes limitations de responsabilité que celles prévues dans le contrat entre A et B.