Dans le monde des affaires, la notion de responsabilité et de réparation des dommages est omniprésente.
Normalement, la réparation du dommage suppose d’établir une faute de celui qui a une obligation. Cependant, il y a aussi des situations dans lesquelles celui qui a commis un dommage peut engager sa responsabilité même sans la faute. Ce qu’il faut distinguer, c’est la nature de l’obligation et la source de l’obligation (contrat, quasi-contrat etc.).
En ce qui concerne la nature des obligations des parties au contrat, que ce soit dans un contrat de franchise, de livraison, de prestation de services, de transport etc., il faut distinguer deux catégories: l’obligation de résultat et l’obligation de moyen.
La distinction entre ces deux obligations a un impact direct sur la responsabilité des professionnels. Comprendre cette distinction est important pour tout professionnel cherchant à limiter ou à assumer les risques juridiques liés à ses activités.
- l’obligation de résultat : un engagement sur le résultat
L’obligation de résultat est la plus contraignante des deux.
Certains contrats mettent à la charge de l’une des parties un résultat précis. Autrement dit, le professionnel promet un résultat. Il s’agit de fournir une garantie contre les risques. Le résultat doit être impérativement être atteint. En cas d’échec, sa responsabilité est engagée, sauf en présence de force majeure ou d’une cause étrangère qui l’exonère de sa responsabilité. La partie qui a subi un dommage n’a pas à établir la faute du professionnel. La seule preuve est que le résultat n’a pas été atteint.
L’obligation de résultat est généralement prévue dans les contrats où la prestation est facilement mesurable et vérifiable (transport, construction etc.). L’obligation de résultat est une conséquence de l’obligation de sécurité.
Exemples :
Transport de marchandises : dans le cadre d’un contrat de transport, la Cour de cassation a jugé que le transporteur est soumis à une obligation de résultat (Cass.com., 13 avril 1976, n°74-12.802). Il doit livrer les marchandises sans dommages et dans les délais convenus. Il a l’obligation de soins et de diligences à apporter à la marchandise et doit mettre tous les moyens nécessaires à la conservation, au déplacement et à la remise de la marchandise à destination (par exemple, conservation de la marchandise à température contrôlée). En cas de dommage, de perte ou de retard, le transporteur est présumé responsable, sauf s’il prouve l’existence d’un cas de force majeure, d’une faute de sa contrepartie (expéditeur, donneur d’ordre ou destinataire de la marchandise) ou d’un vice affectant la marchandise au moment de sa prise en charge.
Prestations informatiques: il a été jugé que le fournisseur d’un logiciel spécifique est tenu à une obligation de résultat tenant à la garantie d’aptitude et de conformité par rapport au cahier des charges et à la garantie de bon fonctionnement des programmes exécutables (Cass. com., 11 déc. 2007, n°04-70.782).
Dans une affaire récente, les juges ont considéré que le fournisseur d’un logiciel qui n’a pas été en mesure de résoudre les anomalies bloquantes signalées de manière récurrente par son client et qui n’a pas été en capacité de les résoudre dans des délais raisonnables était tenu à l’obligation de résultat (Cass.com., 1er juin 2022, n°20-19.476).
- l’obligation de moyen : un accomplissement de diligences
À l’inverse, concernant une obligation de moyen, le professionnel s’engage à utiliser tous les moyens nécessaires, en conformité avec les règles de l’art et les meilleures pratiques de sa profession, pour atteindre le résultat escompté, sans toutefois garantir ce dernier. Sa responsabilité ne sera engagée que s’il est prouvé qu’il n’a pas mis en œuvre les moyens adéquats ou s’il a commis une faute.
Ainsi, pour engager la responsabilité du professionnel, l’autre partie devra établir sa faute, c’est-à-dire, une erreur qui n’aurait pas commis un professionnel avisé et diligent qui serait trouvé dans la même situation.
L’obligation de moyen est plus courante dans les secteurs où la performance dépend de facteurs extérieurs, parfois incontrôlables, ou où le résultat final n’est pas garanti (franchise, santé, conseil, services).
Exemples :
Franchise: il ressort de la jurisprudence que le franchiseur, dans un contrat de franchise, est tenu à une obligation de moyen concernant l’accompagnement, la formation et le transfert de savoir-faire au franchisé. Cela signifie qu’il doit fournir les outils, le soutien et les conseils nécessaires pour permettre au franchisé d’exploiter son activité.
La responsabilité du franchiseur peut ainsi être engagée en cas de défaut de diligence dans l’accompagnement ou des conseils inadéquats. Pour échapper à sa responsabilité, il doit démontrer qu’il a fait tout son possible pour fournir un accompagnement suffisant notamment en matière d’implantation, d’assistance marketing et de suivi commercial.
Il a été jugé que l’obligation d’assistance du franchiseur, une obligation essentielle du contrat de franchise, était une obligation de moyen (CA Paris, 15 mai 2019, n°17/22499). Dans une autre affaire, les juges ont décidé qu’une assistance de nature technique et commerciale procurée par le franchiseur constitue une obligation de moyen. Les juges ont ajouté que le franchisé est un commerçant indépendant et ne peut qu’être seul responsable de la gestion de son entreprise. Ils en déduisent que les manquements du franchiseur ne pouvaient pas se déduire du seul fait de l’existence de difficultés financières rencontrées par le franchisé (CA Paris, 19 mai 2021, n°16-16055).
La Cour de cassation a auparavant jugé que le franchiseur n’est pas tenu de garantir la rentabilité du franchisé. Les juges ont notamment retenu que l’établissement des prévisions d’activité de sa franchise tient de l’obligation de moyen et non de l’obligation de résultat (Cass.com., 19 mai 1992, n° 90-16872; Cass.com., 11 janv. 2000, n°97-16.419).
- l’obligation de moyen renforcé : un cas particulier
L’obligation de moyen renforcé est une notion juridique intermédiaire entre l’obligation de moyen classique et l’obligation de résultat. Il s’agit d’une situation où le débiteur d’une obligation, bien qu’il ne soit pas tenu de garantir un résultat, doit déployer des efforts et des soins bien au-delà de la simple diligence ordinaire attendue dans une obligation de moyen classique. Cela implique que le débiteur doit agir avec une vigilance et une expertise accrues pour atteindre un objectif spécifique.
Si le débiteur d’une obligation de moyen doit utiliser tous les moyens raisonnables pour parvenir à un résultat, sans garantir qu’il sera atteint, le débiteur d’une obligation de moyen renforcé doit mettre en œuvre non seulement les moyens raisonnables, mais également les moyens optimaux et les plus adaptés aux circonstances, sans garantir le succès total.
Exemple : les situations dans lesquelles la jurisprudence retient l’obligation de moyen renforcée concerne souvent l’obligation de sécurité. Par exemple, il a été jugé que la prestation d’un levageur impliquait une obligation de moyens renforcée.
- comment limiter sa responsabilité contractuelle ?
Pour les professionnels, limiter sa responsabilité face aux risques d’un défaut de performance est crucial.
Voici quelques pistes:
- clauses de limitation de responsabilité : insérer dans les contrats des clauses limitant les montants des dommages-intérêts en cas de litige ou des clauses excluant certains types de dommages, par exemple, dommages indirects (voir notre article « Clauses limitatives de responsabilité : ce qu’il faut savoir »).
- clauses d’exonération en cas de force majeure : ces clauses protègent le professionnel si un événement imprévisible rend impossible l’exécution du contrat (voir notre article « Force majeure, cas fortuit, changement de circonstances : quelle différence?»).
- assurance responsabilité civile professionnelle : souscrire une assurance pour couvrir les dommages potentiels liés à la non-exécution ou à la mauvaise exécution du contrat.
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Pour tout professionnel, il est important de comprendre la nature de ses obligations contractuelles, raison pour laquelle il est fortement recommandé de faire appel à un avocat pour la rédaction des clauses encadrant ces obligations, tout en incluant des protections contractuelles comme par exemple les clauses de limitation de responsabilité.
Lorsqu’un litige est né, compte tenu des circonstances factuelles qui jouent un rôle important dans la qualification par les juges, il est également conseillé aux professionnels d’être accompagnés par un avocat.
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