Dans un arrêt récent la Cour de cassation apporte un éclairage utile sur une question fréquente dans les réseaux de franchise : dans quelle mesure un franchisé, tenu par une clause de non-concurrence pendant la durée de son contrat, peut-il préparer une activité concurrente à celle de son franchiseur avant la fin du contrat, sans engager sa responsabilité (Cass.com. 9 mars 2025, n° 23-22.925) ?

Cette décision marque une précision importante dans l’interprétation des obligations de loyauté et de non-concurrence contractuelles.

Les faits sont les suivants : un franchisé conclut des contrats de franchise comportant une clause de non-concurrence avec des franchiseurs appartenant au même groupe, qui exploite un concept d’assistance à domicile pour les personnes âgées et/ou handicapées. Il prend, pendant l’exécution de son contrat, plusieurs initiatives en vue de lancer une activité concurrente (création de société, dépôt de marques, information de ses clients). Les franchiseurs résilient les contrats, invoquant une violation de la clause de non-concurrence, des obligations de loyauté et de bonne foi par le franchisé estimant que son dirigeant avait, avant le terme des contrats, le projet de créer une activité concurrente à la leur, en créant de nouvelles sociétés et en déposant diverses marques, ce dont il a informé ses clients via un courriel et une publication Facebook. 

La Cour tranche avec clarté : ” le franchisé peut, sans violer la clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise ni les obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles, accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, à condition que cette activité ne débute effectivement qu’après l’expiration du contrat de franchise et de son engagement de non-concurrence ».

L’enjeu principal de cette décision repose sur plusieurs points clés :

– distinction entre actes préparatoires et exercice effectif d’une activité concurrente: le franchisé peut accomplir des actes préparatoires à une activité concurrente de celle du franchiseur, par exemple, création de sociétés, dépôt de marques, communication avec des clients ou le public, tant que ces actes ne se traduisent pas par un exercice effectif de l’activité concurrente avant l’expiration du contrat de franchise. Tant que le projet reste à l’état d’actes préparatoires, cela ne constitue pas une violation de la clause de non-concurrence ni des obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles de sorte qu’aucune faute du franchisé ne peut être retenue ;

– protection des droits du franchisé à la préparation d’une nouvelle activité: le franchisé a le droit à se préparer pour l’après-contrat, dans les limites prévues par le contrat de franchise. Les clauses de non-concurrence doivent être interprétées strictement, ne pouvant pas empêcher un franchisé d’anticiper son avenir économique ;

– encadrement de la non-concurrence pendant la durée du contrat : l’interdiction de concurrence pendant la durée du contrat ne s’étend pas aux préparatifs licites d’une activité future, dès lors que cette concurrence n’est pas effective avant la fin du contrat.

Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel constant en matière de franchise concernant les actes préparatoires à une activité concurrente et qui protège la liberté d’entreprendre du franchisé, à condition qu’il respecte une certaine loyauté jusqu’à la fin du contrat. Il rappelle que le franchiseur ne peut pas verrouiller tout projet futur du franchisé, sauf clause de non-concurrence post-contractuelle valable.

Rappelons que les clauses de non-concurrence dans le cadre d’un contrat de franchise ont été encadrées par l’article L.341-2 du Code de commerce et par plusieurs décisions (Cass.com. 26 novembre 2003 n°02-16.337 ; Cass. com., 16 septembre 2014, n°13-18.710). Elles doivent être proportionnées aux intérêts légitimes du franchiseur, limitées à un an après l’expiration et la résiliation du contrat, limitées géographiquement et nécessaires à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et du secret transmis.

Il en résulte que préparer une activité concurrente n’est pas fautif en soi et que le basculement vers une faute suppose l’exercice effectif d’une activité concurrente.

La décision du 19 mars 2025 consacre le droit du franchisé à se préparer à une nouvelle activité tout en respectant les obligations contractuelles pendant la durée du contrat.