Le transport des déchets est un domaine très encadré, avec des exigences strictes pour assurer la traçabilité et la sécurité du transport. Les responsabilités partagées entre producteurs, chargeurs et transporteurs impliquent une vigilance constante, non seulement pour se conformer aux réglementations mais aussi pour minimiser l’impact environnemental des activités industrielles. Avec la nécessité de gérer ces flux de manière écologique, le cadre législatif français impose des obligations rigoureuses et spécifiques en matière de déclaration préalable, de traçabilité, de sûreté ainsi que des sanctions en cas de non-respect.

La règlementation du transport des déchets industriels, qui s’applique à chaque maillon de la chaine (producteurs, destinataires, entrepôts de stockage, transporteurs), est extrêmement complexe. A part la réglementation internationale ou européenne en cas de transport des déchets transfrontalier ou une réglementation sectorielle, trois branches de droit régissent leur transport : le droit de transport, le droit de l’environnement et le droit administratif.

  1. Les déchets : définition et classification

Avant tout transport, il est nécessaire de s’assurer que la marchandise correspond bien à la définition de déchet.

Les déchets sont définis comme “toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire” (article L. 541-1-1 du Code de l’environnement).

L’accord relatif au transport international des marchandises dangereuses par route fait à Genève le 30 septembre 1957 sous l’égide de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, règlement dit « ADR » donne la définition de « déchets », considéré comme « des matières, solutions, mélanges ou objets qui ne peuvent pas être utilisés tels quels, mais qui sont transportés pour être retraités, déposés dans une décharge ou éliminés par incinération ou par une autre méthode ».

Il existe différents types de déchets répartis selon trois classifications distinctes.

La première distinction est celle entre les déchets ménagers et les déchets d’activités économiques (DAE), soit «tout déchet, dangereux ou non dangereux, dont le producteur initial n’est pas un ménage » (art. R.541-8, al.3 du Code env.).

Ensuite, en fonction de leur dangerosité, les déchets sont classés en deux grandes catégories: dangereux et non dangereux.

Cette distinction est fondamentale car elle détermine le régime de transport applicable.

  1. Déchets non dangereux (DND) : un transport sous régime classique

Les déchets non dangereux sont les déchets qui ne présentent aucune des propriétés qui rendent un déchet dangereux (R.541-8, al.3 du Code env.).

En fonction de leur nature, les déchets non dangereux peuvent être qualifié d’inertes (p.ex. gravats de chantier) ou non inertes (p.ex. produits métalliques, carton, papier, textiles etc.).

Les déchets inertes sont ceux qui ne subissent  « aucune modification physique, chimique ou biologique importante » et s’il ne se décomposent pas, ne brûlent pas, ne produisent « aucune réaction physique ou chimique », ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas les matières avec lesquelles ils entrent en contact «  d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine » (art. R.541-8, al.3 du Code env.).

Cependant, il est nécessaire de vérifier s’il ne peut être qualifié de déchet POP ou « polluant organique persistant », c-es-à-dire vérifier si la composition du déchet ne comporte pas une propriété dangereuse, notamment s’il ne contient pas ou s’il n’est pas constitué ou contaminé par une substance polluante (art. R.541-8 du Code env.).

Si les déchets industriels sont classés comme non dangereux, ils sont soumis aux mêmes règles que les marchandises « ordinaires », complétées par des dispositions spécifiques applicables aux déchets. Dans ce cas, c’est le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises « général » ou spécifique (p.ex. le contrat type pour le transport public routier en citernes), prévus annexe  à l’art. D.322-1 du Code des transports, qui va s’appliquer.

Il sera ajouté que la réglementation prévoit que les transporteurs de déchets sont soumis à une obligation de déclaration préalable auprès du préfet (art. R. 541-50 du Code env.), une copie du récépissé de déclaration devant être conservée à bord de chaque véhicule (art. R. 541-53 du Code env.).

Ils sont également soumis au respect des obligations d’information spécifiques liées au traitement des déchets (art. L. 541-7 du Code env.). Le législateur leur impose la tenue d’un registre chronologique de suivi des déchets, qui s’applique désormais à tous les déchets: dangereux et non dangereux (art. R. 541-43 du Code env.), d’un registre chronologique spécifiques, qui concerne les transporteurs et les collecteurs de terres excavées et sédiments (art. R. 541-43-1 du Code env.), la tenue et la conservation des bordereaux de suivi des déchets (BSD).

  1. Quand les déchets industriels deviennent marchandise dangereuse (DD)

Si les déchets industriels sont classés comme dangereux, le transport est soumis aux règles plus complexes. Les dispositions applicables au transport de ces déchets se trouvent principalement dans les textes suivants:

  • le règlement ADR du 30 septembre 1957, complété par
  • l’arrêté du 3 juillet 2024 (modifié) relatif aux transports de marchandises dangereuses par voies terrestres («arrêté TMD »), applicable aux transports effectués sur le territoire national, qui fixe les règles spécifiques applicables aux déchets dangereux en matière de conditionnement, de signalisation et de documents de transport ; cet arrêté s’applique notamment aux transports nationaux ou internationaux des marchandises dangereuses par route, y compris aux opérations de chargement et de déchargement, au transfert d’un mode de transport à un autre et aux arrêts nécessités par les circonstances du transport ;
  • les articles R.541-49 à R.541-61-2 du Code de l’environnement relatifs à la collecte, au transport, négoce et courtage de déchets qui imposent aux entreprises des obligations spécifiques en matière de gestion des déchets notamment une autorisation spécifique;
  • la convention de Bâle, adoptée le 22 mars 1989, modifiée en 2019, « Sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination » et au niveau européen, le règlement (CE) n° 1013/2006 du 14 juin 2006 qui sera remplacé par le Règlement n°2024/1157 entré en vigueur le 21 mai 2024 et applicable à compter du 21 mai 2026,  qui s’appliquent respectivement en cas de transfert transfrontalier de déchets ou au sein de l’UE.

Une marchandise peut être considérée comme dangereuse si elle présente un risque pour la santé, la sécurité, les biens ou l’environnement en raison de ses propriétés chimiques, physiques ou biologiques et classée comme telle.

Les matières ou les objets sont qualifiés de « dangereux » par l’ADR si : « le[ur] transport est interdit selon l’ADR ou autorisé uniquement dans les conditions qui y sont prévues ».

Le déchet peut être une marchandise dangereuse s’il répond aux critères de classification définis dans l’ADR.

Toute les marchandises dangereuses au transport sont citées par l’ADR selon lequel les classes de marchandises sont les suivants :

  • Classe 1 : matières explosibles;
  • Classe 2 : gaz;
  • Classe 3 : liquides inflammables;
  • Classe 4 : matières solides et hydro-réactives inflammables, matières autoréactives et matières sujettes à l’inflammation spontanée;
  • Classe 5 : peroxydes organiques et matières comburantes ;
  • Classe 6 : produits toxiques et matières infectieuses ;
  • Classe 7 : matières radioactives;
  • Classe 8 : matières corrosives;
  • Classe 9 : matières et objets dangereux divers.

Certains déchets ou mélanges ne sont pas nommément identifiés dans l’ADR. Dès lors, il appartient au producteur, expéditeur ou chargeur de les classer dans une rubrique non spécifiée.

Les caractéristiques de dangerosité sont définies à l’article R.541-8 du Code env. et précisées à l’annexe III de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008. Il existe 15 propriétés rendant un déchet dangereux: explosifs comburant, facilement inflammables, inflammable, irritants, nocifs, toxiques, cancérogènes, corrosifs, infectieux, toxiques pour la reproduction mutagène, déchets qui, au contact de l’eau, de l’air ou d’un acide, dégagent un gaz toxique ou très toxique, sensibilisants, écotoxiques, déchets susceptibles, après élimination, de donner naissance, par quelque moyen que ce soit, à une autre substance, par exemple un produit de lixiviation, qui possède l’une des caractéristiques énumérées ci-dessus.

Sont exclus du champs d’application de cette directive les déchets radioactifs et les déchets résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales, ainsi que de l’exploitation des carrières (couverts par la directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de l’industrie extractive).

L’application de l’ADR dépend de la nature exacte des déchets industriels transportés.

Les déchets industriels peuvent être considérés comme des marchandises dangereuses et soumis à l’ADR si leur composition ou leurs caractéristiques spécifiques correspondent à des classifications prévues dans cet accord. En effet, les déchets industriels peuvent contenir des substances toxiques comme des résidus de peinture, des huiles ou des solvants, ce qui les classe alors parmi les déchets dangereux, nécessitant des précautions supplémentaires pour leur transport.

Ainsi, les déchets industriels ne sont pas automatiquement considérés comme dangereux. Par exemple, de manière générale, les déchets métalliques, comme de la ferraille ou des rebuts d’acier propre, sont considérés comme non dangereux. Ce n’est pas la nature “métallique” des déchets en soi qui les rend dangereux. Mais ils le deviennent s’ils contiennent des substances dangereuses (p.ex., métaux lourds, résidus chimiques) ou répondent à des classifications spécifiques de l’ADR (p.ex., substances inflammables ou corrosives).

S’ils comportent une substance dangereuse selon la classification, ces déchets se voient appliquer la règlementation relative aux déchets dangereux. Dans cette hypothèse, des dispositions supplémentaires sont à prendre :

le mot « DECHET » doit apparaître dans la désignation officielle de transport ;

le BSDD (bordereau de suivi de déchets dangereux) dématérialisé, crée via Trackdéchets est prévu par la réglementation pour assurer la traçabilité du transport et peut, sous certaines conditions, tenir lieu de document de transport de marchandises dangereuses ;

renseigner les composants à l’origine de la classification du déchet ;

le conducteur doit être titulaire du certificat attestant qu’il a été formé au transport de marchandises dangereuses ;

L’annexe I de l’arrêté TDM précise plusieurs obligations qui incombent au transporteur, par exemple, l’utilisation des véhicules et équipements agréés, précautions à prendre lors du stationnement de façon à éviter au maximum tout risque de dommage. Il doit à veiller à la présence à bord de plusieurs documents précisés par l’arrêté TDM, ainsi qu’à la présence de l’étiquetage, de l’emballage des marchandises dangereuses, de marquage des véhicules etc.

En effet, ces déchets peuvent présenter des risques à l’homme ou à l’environnement, il va donc de soi qu’une marchandise dangereuse doit être conditionnée dans un emballage approprié qui doit être conforme aux prescriptions de l’ADR. Selon l’ADR, chaque emballage de matières dangereuses doit être étiqueté en fonction des risques.

Ces déchets nécessitent également des conditions de stockage et de conditionnement adaptées pendant le transport. Le Code de l’environnement impose que les déchets dangereux soient conditionnés dans des conteneurs étanches et résistants afin de prévenir toute fuite de substances toxiques. Ces contenants doivent également être étiquetés conformément aux exigences de l’ADR.

Les véhicules doivent être équipés de signalisation spécifique (plaques oranges pour indiquer les risques, conformes à la réglementation).

Les consignes, dont le modèle figure dans l’ADR,  doivent être remises par le transporteur à l’équipage du véhicule, formé au préalable, avant le départ, dans une langue que chaque membre puisse lire et comprendre.

Le protocole de sécurité doit être établi entre l’entreprise d’accueil et le transporteur pour toutes les opérations de chargement et de déchargement selon les règles fixées par l’ADR.

Tout transport de marchandises, réglementé par l’ADR, doit être accompagné parmi d’autres documents (notamment des documents de douanes en cas de transport transfrontalier) d’une « Déclaration de matières dangereuses ».

  1. Sanctions en cas de non-respect

Le droit français impose des obligations très strictes aux différents acteurs impliqués dans le transport de déchets: le producteur de déchets (celui qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits), le détenteur et le transporteur de déchets.

Conformément à l’article L. 541-2 du Code env., « Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre.

Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers.

Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. »

Les producteurs du déchet sont soit soumis au régime de responsabilité élargie (art.8.1 de la Directive 2008). Ils sont responsables du déchet jusqu’à son élimination et donc de la classification correcte de celui-ci qui est établie par une liste unique qui figure à l’annexe de la décision 2000/532/CE de la Commission du 3 mai 2000 (R. 541-7 du Code de l’environnement). Les déchets sont identifiés par un code européen à 6 chiffres permettant de les repérer tout au long du circuit de traitement. Liste de codification des déchets figure à l’Annexe II de l’article R. 541-8 du Code de l’environnement.

Les producteurs du déchet sont soit soumis au régime de responsabilité élargie du producteur (REP), ce qui signifie que même si le déchet est confié à un tiers pour son transport, le producteur peut être tenu responsable en cas de mauvaise gestion, d’accident ou de pollution.

Par conséquent, la loi impose aux producteurs de vérifier que le transporteur dispose des autorisations nécessaires et respecte les réglementations en vigueur. A ce titre, ils doivent :

vérifier que le transporteur a déclaré son activité en préfecture dès que les quantités de chargement dépassent 100 kg pour les déchets dangereux ou 500 kg pour les déchets non dangereux ;

renseigner dans le contrat que les déchets sont orientés vers des installations de traitement ou de valorisation conformes à la réglementation ;

renseigner les informations relatives au circuit de traitement de leurs déchets dangereux via le bordereau de suivi (Trackdéchet), le registre des déchets ;

s’assurer notamment de la présence du récépissé de la déclaration à bord du véhicule.

Le transporteur assume également une part de responsabilité significative. En cas de non-respect des obligations relatives au transport de déchets, il peut être tenu civilement et pénalement responsable.

Il appartient aux transporteurs de veiller notamment à ce que les déchets soient acheminés vers des installations de traitement conformes aux réglementations en vigueur. Si le transporteur abandonne, déverse ou dirige les déchets vers une destination non conforme aux règles applicables, il peut engager sa responsabilité pénale en vertu de l’art.L.541-46 Code env.

Le transport de déchets sans récépissé de déclaration à bord du véhicule constitue une contravention, passible d’une amende (art. L. 173-8., R. 541-79 du C. env.).

Le non-respect des prescriptions relatives au transport de déchets dangereux peut entraîner des peines de deux ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende (art. L. 541-46 du Code env.).

En cas de non-respect des obligations déclaratives, et défaut de régularisation, son activité peut être suspendue jusqu’à régularisation (art. L.541-1 et R.541-59 du Code env.).

 

La réglementation du transport des déchet et, plus particulièrement, du transport des déchets dangereux est extrêmement stricte et complexe. Le présent article n’est pas exhaustif et ne constitue qu’un aperçu de cette matière. En raison de la complexité du cadre légal, il est recommandé de consulter un professionnel du droit afin d’obtenir des renseignements précis et adaptés à chaque situation.