Dans la vie des affaires, il est fréquent de devoir « donner pouvoir » à une autre personne pour accomplir un acte juridique en nom du donneur d’ordre: négocier un contrat, effectuer une déclaration de société, effectuer ou recevoir un paiement, présenter une demande administrative ou judiciaire, gérer une transaction etc. Ce mécanisme correspond au mandat, un contrat encadré par le Code civil.
Souvent confondu avec d’autres formes d’intermédiation, le mandat obéit à des règles précises qui définissent les conditions de sa validité, l’étendue des pouvoirs accordés, ainsi que les droits et obligations respectifs du mandant (celui qui confère une mission) et du mandataire (celui qui agit pour autrui).
Cet article a pour objectif de présenter les grands principes du mandat en droit français, ses conditions de formation, ses effets, et les régimes particuliers applicables aux différents intermédiaires.
- Définition et principes généraux du contrat de mandat
Le contrat de mandat est régi par les articles 1984 et suivants du Code civil ainsi que par les articles 1153 et suivants du Code civil pour ce qui concerne les règles générales relatives à la représentation contractuelle, dans la mesure où elles sont compatibles avec les règles spéciales propres au mandat (art. 1105, al. 2 et 3 du Code civil).
Le mandat est défini comme l’acte par lequel une personne (le mandant) donne à une autre (le mandataire) le pouvoir d’accomplir, en son nom et pour son compte, un ou plusieurs actes juridiques.
Pour bien comprendre le mécanisme du mandat, il faut savoir qu’il repose sur le pouvoir qui permet au mandataire d’engager juridiquement le mandant. Le mandataire n’agit pas pour son propre compte mais pour le compte de celui qui lui donne instruction de faire l’acte. Il agit au bénéfice du mandant et à ses risques. Le mandataire ne subit pas de perte dans l’opération. Dans l’acte, le mandataire indique le nom de son mandant. C’est le mécanisme de la représentation qui permet au mandant, par exemple, une société, être partie à des actes sans être présent à leur conclusion par l’intermédiaire de son représentant personne physique.
Appliqué à la vente immobilière, par exemple, le mandat confère au mandataire le pouvoir de conclure ou de constater la réalisation de la vente au nom du mandant.
Un élément distinctif du mandat réside dans l’absence de subordination entre le mandant et le mandataire. Le mandataire dispose d’une certaine indépendance dans la conduite de sa mission. Le mandataire reste libre du choix des moyens pour parvenir à l’accomplissement des instructions données par son mandant. Dans le cas contraire, il s’agirait d’un contrat de travail et non plus de mandat.
L’acceptation du mandataire est nécessaire pour la formation du mandat, qui peut résulter d’un accord exprès ou tacite selon les circonstances.
La représentation peut être parfaite lorsque le mandataire agit au nom et pour le compte du mandant, auquel cas le mandant est seul tenu de l’engagement contacté ou imparfaite lorsqu’il agit pour le compte du mandant mais en son propre nom, p.ex. le commissionnaire, qui de ce fait est seul engagé à l’égard du cocontractant ( art.1154 du Code civil).
- Conclusion du mandat
La formation du mandat obéit aux conditions de validité générales des contrats prévues par l’article 1128 du Code civil : consentement des parties, capacité de contracter, et contenu licite et certain. Si l’une de ces conditions fait défaut, le mandat est nul.
L’objet du mandat doit être licite et déterminé. La détermination de la rémunération du mandataire n’est pas une condition de validité puisqu’il s’agit d’une prestation de services. Si la rémunération n’est pas déterminée lors de la conclusion du contrat, lorsque le mandataire agit à titre professionnel, il est présumé agir à titre onéreux. Quant au montant de la rémunération, le mandataire qui invoque un chiffre, doit le prouver.
En droit commun, le mandat n’est soumis à aucune condition de forme particulière : il peut être tacite ou verbal. Le mandat tacite peut résulter de l’exécution même des ordres reçus. Celui qui ne s’est pas opposé à l’acte peut être considéré comme ayant donné tacitement son consentement, p.ex. un conjoint qui exploite avec son époux un domaine agricole (art. 321-1 du Code rural).
Toutefois, pour certains professionnels comme les agents immobiliers ou les agents commerciaux, la loi exige un écrit, à peine de nullité. Les actes de disposition doivent également toujours être exprès.
En pratique, il est vivement recommandé d’établir un mandat écrit, daté et signé, en particulier lorsqu’il concerne des opérations importantes. Le document qui constate ce contrat est désigné sous le nom de procuration, de pouvoir ou de mandat. Il sert au mandataire pour justifier sa mission auprès des tiers.
Normalement, le mandat doit prendre la même forme que l’acte à accomplir. Ainsi, la mandat de faire un acte notarié doit être lui-même notarié.
- Obligations du mandant et du mandataire
– Obligations du mandataire
Le mandataire doit exécuter fidèlement la mission qui lui a été confiée dans l’intérêt du mandant, avec diligence, prudence, loyauté, transparence et dans le respect des instructions du mandant.
En cas de dépassement de ses pouvoirs par le mandataire, l’acte sera nul et cette nullité peut entraîner une responsabilité du mandataire, sauf mandat apparent ou ratification expresse ou tacite de l’acte.
La mandataire, qui doit nécessairement disposer des compétences, doit informer le mandant de l’exécution de sa mission en cours de mission et en fin de mission.
Il doit également le conseiller sur l’utilité de l’acte, ses risques, sur les précautions à prendre et la meilleure manière de procéder. Un mandataire doit conseiller utilement un professionnel d’une autre spécialité même s’il s’agit d’un professionnel averti dans un autre domaine. Par exemple les juges ont décidé que dès lors que le souscripteur d’un contrat d’assurance est un professionnel d’une autre spécialité que l’assurance, le courtier en assurance, en sa qualité de professionnel de l’assurance, a pour obligation de l’informer et le conseiller utilement sur l’étendue des garanties et d’attirer plus spécialement son attention sur les exclusions et limites qu’elles comportent.[1]
En principe, le mandataires doit exécuter personnellement la mission mais il peut se faire substituer un tiers lorsque la loi ou le contrat le permet. Dans ce cas, le mandataire initial doit vérifier que le substitut ne s’écarte pas des instructions reçues et qu’il accomplit correctement.[2] Il doit assister le substitut dans l’exécution de sa mission et lui procurer les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa tâche : instructions, informations et moyens matériels.
La responsabilité du mandataire peut être limitée en définissant clairement l’étendue de ses pouvoirs et en détaillant des instructions précises. Il est également possible de prévoir des clauses limitatives de responsabilité, mais celles-ci ne peuvent pas exonérer le mandataire en cas de faute lourde, c’est-à-dire des fautes qui traduisent une inaptitude à la mission, au-delà d’une simple négligence.
– Obligations du mandant
Le mandant a une obligation de coopération. Il doit permettre au mandataire d’exécuter sa tâche : lui fournir les instructions et les adapter à l’évolution de l’affaire, les documents et les renseignements nécessaires. Il doit s’abstenir d’entraver sa mission et exécuter les engagements pris par le mandataire dans les limites de ses pouvoirs.
Il doit exécuter rembourser les avances et frais, indemniser des pertes éprouvés et verser la rémunération prévue.
Il convient de noter que ces obligations ne sont pas d’ordre public et sont donc supplétives, sauf stipulation contraire.
- Les risques pour un mandant
Le mandant est engagé par tous les actes accomplis par le mandataire dans les limites du mandat. Si le mandataire outrepasse ses pouvoirs, le mandant peut contester, sauf si les tiers pouvaient légitimement croire que le mandataire agissait dans le cadre de son mandat (mandat apparent).
En effet, en l’absence de mandat écrit, les tiers peuvent légitimement croire que la personne agit pour le compte du mandant, notamment en cas de dépassement apparent de ses pouvoirs. Il s’agit d’un mandat apparent. Par exemple, il a été jugé qu’un assuré pouvait légitimement croire que le courtier en assurance agissait en qualité de mandataire de la compagnie d’assurance en vertu d’un mandat apparent[3]. L’assuré peut en effet légitimement croire aux pouvoirs du courtier en raison d’une apparence propre à l’assureur, comme par exemple les documents à en-tête, avis d’échéances etc.
- Révocation du mandat
La révocation des pouvoirs du mandataire est toujours possible, à tout moment, pour le mandant. Elle peut être expresse ou tacite (par exemple, désignation d’un autre mandataire). La révocation ouvre au mandataire droit à une indemnité.
- Distinction avec les autres contrats d’intermédiation et régime applicable aux divers intermédiaires
Le mandat porte nécessairement sur la réalisation d’actes juridiques, par exemple, conclure un contrat, au nom et pour le compte du mandant, contrairement à d’autres contrats d’intermédiation (courtage, commission, entreprise) qui peuvent porter sur la réalisation d’actes matériels ou sur la mise en relation des parties. Il est à noter que le mandataire pourrait accomplir également des actes matériels, liés à l’acte juridique.
Voici quelques exemples :
Le commissionnaire agit pour le compte d’autrui mais en son propre nom, ce qui le distingue du mandataire, qui agit au nom et pour le compte du mandant (art. L. 132-1 Code du commerce ).
Le contrat d’entreprise implique que le prestataire accomplit un acte matériel (et non pas un acte juridique) pour le donneur d’ordre, sans pouvoir de représentation. Il agit en son propre nom et pour son propre compte même s’il agit dans l’intérêt du donneur d’ordre.
Le courtier met généralement en rapport des personnes qui entendent contracter. Contrairement au mandataire, il ne conclut pas le contrat au nom et pour le compte des parties, sauf s’il reçoit un mandat spécial pour conclusion du contrat. Le contrat de courtage un contrat d’entreprise, défini comme l’engagement, de manière indépendante et sans représentation, d’accomplir un travail au profit d’autrui.
En revanche, les dispositions légales du mandat peuvent s’appliquer au courtier en assurance s’il reçoit pouvoir d’agir au nom et pour le compte de l’assuré (ou parfois de l’assureur).
L’agent commercial : les dispositions spécifiques issues du Code de commerce, fondées sur le mandat d’intérêt commun (art. L. 134-1 et s. du Code du commerce) s’appliquent à l’agent commercial.
L’agent immobilier: le mandat conclu avec un agent immobilier obéit aux règles du mandat, tout en étant soumis, pour sa formation, aux dispositions particulières d’ordre public de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 (dite loi Hoguet) et de son décret d’application du 20 juillet 1972. Dans certaines hypothèses, ce contrat relève également du Code de la consommation.
Certains contrats d’intermédiation relèvent de régimes spéciaux. Par exemple, si l’agence de voyage réserve et délivre un titre de transport pour le compte du voyageur, elle agit en qualité de mandataire du client et relève du régime du mandat (obligation de moyens, faute prouvée),[4]à la différence de la vente d’un forfait où la responsabilité de plein droit du code du tourisme s’applique (art. L. 211-16 du Code du tourisme).
Des réglementations spécifiques existent également pour des activités réglementées (avocats, administrateurs judiciaires etc.), qui peuvent exclure l’application des règles de droit commun du mandat.
[1] Cass. 2e civ., 29 mars 2018, no 17-14.975
[2] Cass. civ. 1re, 29 mai 1980, no 79-11.784
[3] Cass. 1re civ., 8 avril 2010, no 09-10.790
[4] Cass. 1re civ., 30 janvier 2007, no 05-20.050

